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4.9. Superfast

Ferrari & Peugeot : une longue histoire de respect mutuel.

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4.9. Superfast

Bonjour à toutes et tous,

 

Encore (très) jeune sur le forum (un peu moins dans la vie, même quand même), je ne veux pas risquer de traiter de sujets déjà existants.

D'où la tentative de sortir des sentiers battus. Et je voudrai évoquer ici les (bonnes) relations, voire les liens ayant existé entre notre chère marque et un certain constructeur sochalien qui, outre le recours au symbole d'un fier animal comme identité, partagent de nombreuses histoires communes. J'en ai été témoin pour certaines d'entre elles.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces deux constructeurs, qui ne se ressemblent en rien, ont beaucoup d'atomes crochus (pardon pour l'expression un peu hors d'âge, mais c'est ce qu'on disait à l'époque où la drôle d'amitié s'est nouée entre ses deux là).

Et c'est avant tout une histoire d'homme.

 

Fin des années 40, en pleine reconstruction, comme nombre d'entreprise en Europe, rien ne prédestinait le sérieux et austère constructeur français (bien moins vrai maintenant, je parle du côté austère) à croiser le chemin de la toute jeune firme de Maranello. Peugeot, l'un des pionniers de l'automobile, le plus ancien même de l'hexagone, avait déjà une assez longue histoire. Grâce à la bonne gestion de la famille du même nom et d'une gamme déjà bien pensée, la firme au lion était passée outre les affres de la crise de 29 et de la période sombre de la seconde guerre mondiale, au contraire de tant de marques françaises plus prestigieuses (Eh oui, le luxe automobile a été initialement en grande partie français). Et au bon moment, il avait su lancer la bonne voiture au bon moment, et plus précisément dans la série fétiche des 200, la 203, une berline robuste pouvant accueillir raisonnablement une famille, au style inspiré du streamline américain, ce pays que l'on admirait, tant il nous avait permis de retrouver notre liberté. La réussite ne tarda pas face à la (trop) petite 4 CV et la vieillissante Traction. Le juste milieu.

Fort de ce succès et de ce positionnement, la famille Peugeot et ses équipes ont rapidement pensé à la suite. C'est alors qu'ils consultèrent (à moins que ce ne soit l'inverse comme le suggère Battista dans ses mémoires) le dernier de la lignée (Pinin en italien) Farina, carrossiers de longue tradition.

En fait, Battista avait travaillé avec la vénérable maison sochalienne dès la fin des années 20 par l'entremise d'Isotta-Fraschini, représentant les intérêts de la marque française en Italie (les deux constructeurs n'étant nullement concurrents). Il avait donc déjà pu apprécier le sérieux et la justesse de vue de la famille Peugeot.

C'est ainsi que dès 1951, Pinin Farina et Peugeot conclurent un accord pour le développement de la future berline succédant à la 203 (la 403), soit un an avant l'accord signé avec Ferrari.

Et ce fut le début d'une longue et très fructueuse collaboration, Pinin Farina ne s"étant jamais caché de la grande fierté que de collaborer avec un si grand constructeur et Peugeot, ayant aussi fièrement affiché au grand jour la signature Pininfarina (en un mot à partir de 61) sur ses voitures.

ARCHIVES – Battista Pininfarina : ses débuts avec Peugeot – LIGNES/auto

 

N'étant en rien concurrent, la famille Peugeot ne prit nullement ombrage de l'autre partenariat de ''son'' carrossier avec Ferrari.

C'est ainsi que dès le milieu des années 50, prototypes et pré-séries Peugeot croisaient les petites production des magnifiques carrosseries destinées à rejoindre châssis et moteur à Maranello.

Et logiquement, ce qui devait arriver, arriva. Au tout début des années 60, pour la berline suivante, la 404, Pininfarina et ses équipes (qui devaient travailler forcément pour les deux marques) s'inspira fortement de la récente 250 GT/E, première Ferrari de grande diffusion et de la lignée des 2+2. La calandre enchassée entre les 2 phares rond proéminent les rendait presque cousine, stylistiquement parlant. La filiation est encore plus frappante avec les belles versions coupé et cabriolet, assemblées dans les ateliers même de Turin. 

Ni Peugeot, ni Ferrari ne s'en offusqua, bien au contraire.

C'était même plutôt flatteur pour la famille Peugeot et Enzo devint même client de la marque au lion (bénéficiait-il de tarif préférentiel ? Fort possible).

Enzo connaissait en fait de longue date le constructeur français. Dans ses jeunes années, alors qu'il rêvait seulement de devenir pilote automobile, Enzo s'était intéressé aux exploits de Peugeot entre les années 1913 et 1919 sur les courses américaines dont les déjà très renommée 500 miles d'Indianapolis.

Il n'eut pas à affronter la marque française une fois son rêve atteint, Peugeot s'étant retiré de toute compétition, avant d'y revenir bien plus tard au courant des années 60,avec justement la robuste 404 à l'assaut des premiers rallyes africains, ancêtre des rallye-raids. Mais il n'en conserva pas moins un profond respect.

Bien plus tard, à l'orée de ses 65 ans, il se faisait conduire plutôt que de piloter. Il posséda bien sûr certaines de ses propres voitures (il affectionnait les 2+2), mais préférait pour les longs parcours des voitures plus confortables. C'est ainsi qu'il acheta 404 (équipé d'un volant Nardi et de phares additionnels de Lancia Flaminia - cf. numéro de châssis ci-joint) puis 504 en berline puis coupé.

Préférant le tissu au cuir, il fait équiper ses Ferrari avec du tissu Peugeot.

Le break 404 utilisé pour les assistances de course fait partie aussi de ce quasi-partenariat.

A partir de 1970, un an après le rachat, Enzo dût se résoudre de ne plus rouler en Peugeot (sans doute à regret), Fiat, son nouvel actionnaire, voyant d'un très mauvais oeil ce qui ressemblait à une trahison, Peugeot étant pour le coup un sacré concurrent (l'ironie du sort fait qu'aujourd'hui, Enzo pourrait tout aussi bien rouler avec chacune de ses 2 marques réunies dans le même camp).

Insolite. Enzo Ferrari et Peugeot : une histoire d'amour impossible

 

De l'autre côté, chez la très protestante famille Peugeot, la discrétion est une règle absolue, voire un art de vivre. Le charme discret de la bourgeoisie, modèle des trente glorieuses (un peu l'american way of life à la française), loin de toute ostentation mais soucieux de son confort et d'un certain standing, collait parfaitement avec l'image de Peugeot. Cela a été longtemps la cible privilégiée (j'en parle d'autant plus aisément que j'en suis le fruit, petit fils et fils de Peugeotiste - Ah la 404 blanche en skai rouge et toit ouvrant coulissant de mon grand-père paternel, premier souvenir automobile et plus tard, la 504 TI bleu métal du paternel, qui, une fois, à mon grand plaisir, avait flirté sur l'A1 avec la limite du compteur, presque 200, en réalité un petit 180, une sacré ''bagnole'' l'air de rien ... Mais je m'égare).

Ayant eu la chance (oui, oui, j'assume; ce fut une très bonne école) de collaborer d'assez près avec cette marque pendant mes 7 premières années professionnelles, au tournant des années 90/2000, j'ai approché certains membres de la Direction qui m'ont dévoilé un peu plus quant au parc caché des Ferrari acquises par la famille Peugeot, et plus particulièrement par Robert, alors Directeur du développement, de la qualité et des relations extérieures (et donc à ce titre le big boss de nos interlocuteurs de chez Peugeot, et interlocuteur direct de Pininfarina - pour rien au monde, il n'aurait confié à d'autres le soin de traiter en personne avec Sergio, ces deux-là se tenant la plus haute estime mutuelle, pour ne pas dire une grande amitié).

En véritable passionné, il possédait naturellement une F40 (au volant de laquelle il ne s'est jamais montrée, d'aucun de mes interlocuteurs m'affirmant qu'elle restait, loin de tout regard, dans les locaux de Pininfarina. A priori, je ne remets pas en doute sa parole, mais selon le judicieux rappel du dernier éditorial d'Enzo, prudence). En revanche, plus officiellement, au milieu des années 90, Robert troqua son coupé 400 par une 456 bleu Pozzi intérieur beige, à l'identique du modèle de présentation dévoilée début 1993 au salon de Bruxelles (un premier honneur pour ce salon, certains y voyant là, et à juste titre, un hommage au fidèle importateur belge de la première heure, le ''garage'' Francorchamps et son patron, Jacques Swaters, ami du Commendatore). Une rumeur courut d'ailleurs comme quoi la voiture allait reprendre l'appellation ''Francorchamps'', rumeur relayée par le très sérieux Serge Bellu lors de la présentation qu'il avait faite de la voiture dans Automobiles Classique (le N°53, si ma mémoire est bonne. Facile, c'est à partir de ce numéro que je m'y suis abonné, la photo pleine page de la 456 sur la couverture y étant pour beaucoup).

Bref, à partir de ce moment, Robert en fit quasiment son ''daily'', la garant ouvertement dans les sous-sols, avenue de la Grande Armée. Ce manquement à la discrétion lui valut sans doute sa place à la tête du Directoire, mais d'après ce que je compris, son poste lui convenait parfaitement, tant il pouvait à loisir entretenir la flamme avec Pininfarina.

C'est tout naturellement, Robert qui pilota le projet du coupé 406, dévoilé à Genève en 1996, salon idéal pour cette très belle voiture, sans nul doute la plus inspirée des canons de beauté de chez Maranello. Ne la surnommait-on pas, avec une pointe d'ironie et un certain manque de respect ''la Ferrari du pauvre'' ? Je suis certain que nombre de Ferrarista en ont eu, voire en ont toujours une dans leur garage. Je suis même prêt à parier qu'Enzo en aurait acheté une s'il avait été encore de ce monde.

Toujours est-il que cette voiture connut le succès commercial qu'elle méritait au point d'en venir presque ''banale'' - du moins en France - tant on la voyait un peu partout. Ce fut la coqueluche de nombreux cadres dirigeants, voyant là, l'occasion de se faire plaisir tout en roulant français. Pour exemple, dès le salon de Genève passé, PDG, Directeur Commercial et Directeur technique de ma boite en commandèrent une chacun, le PDG ayant seul le privilège du V6 ! C'était aussi un moyen de rester ''jeuns'', même s'il regrettaient le relatif manque d'espace et le côté contraignant du coupé par rapport à leurs anciennes 605 et autre Safrane.

Et encore, Peugeot put facilement en vendre le double, mais Pininfarina, montant jusqu'à 150 voitures / jour sous l'amicale pression de son grand partenaire, au point de refuser nombre de demandes et sollicitations d'autres constructeurs, admit ne pas avoir les moyens d'aller au-delà; et il n'était pas question de sous-traiter la production à d'autres carrossiers. Certains nouveaux dirigeants, moins sensibles à la longue histoire liant les deux maisons, y virent d'ailleurs une première justification pour réinternaliser les productions ''spéciales'' suivantes et autonomiser le bureau de style - plus encore que pour Ferrari, on s'aperçut rapidement de l'effet funeste, en témoigne l'horrible 407 Coupé.

Amateur d'art et de Ferrari - Le Parisien

 

Par ailleurs, il faut dire que Robert Peugeot, comme nombre de hauts cadre de la maison était resté proche d'un certain Jean Todt, ayant tellement fait pour la gloire du Lion, ce dernier étant toujours resté fidèle dans son coeur à Peugeot, à qui il devait en très grande partie son parcours exceptionnel. Il serait d'ailleurs vraisemblablement resté si le Directoire de l'époque avait donné le feu vert au projet Formule 1 porté par Jean, ultime défi après le championnat du monde des rallyes, le rallye-raid puis les 24 heures du Mans. Cependant, à l'époque régnait encore le très austère Jacques Calvet à qui le Directoire donnait toute confiance, sauveur de la vénérable maison qu'il avait été grâce à la 205 (dont le père était en fait Jean Boilot). Or, Calvet, homme de pouvoir, voyait d'un très mauvais oeil l'ascension fulgurante (et méritée) de Todt, y voyant un challenger de plus en plus encombrant. En bon gestionnaire, il n'eut aucun mal de convaincre le Directoire de ne pas se lancer dans cette aventure aussi incertaine que coûteuse. Avec le recul, il n'eut pas forcément tort, tant d'autres constructeurs s'y cassèrent les dents - il suffit de voir encore aujourd'hui dans quelle galère Audi semble s'être embarqué, avant même de commencer (alors que tout comme Peugeot et plus encore, ce constructeur a gagné sur tous les terrains).

Il n'en fallait pas plus pour que Todt cède aux sirènes de la Scuderia et de l'appel du pied de Montezemolo qui, en parfait visionnaire qu'il était, y voyait l'homme de la situation. La suite est présente dans toutes nos mémoires de Tifosi; ce fut les plus belles pages de l'histoire de notre chère Scuderia. Attendons la suite avec Vasseur et sa ''nouvelle'' recrue de légende, mais je doute que cette nouvelle ''dream team'' puisse faire aussi bien. A voir.

Grâce à cette relation on ne peut plus privilégiée, Robert put enrichir sa collection, d'autant plus que, retiré des affaires, il n'avait plus de compte à rendre.

 

En parallèle, j'avais pu travailler en direct avec l'un des bras droits de Gérard Welter, historique patron du design de chez Peugeot, très proche également de Pininfarina. Lui-même fan de Ferrari, il m'avouait que son patron l'était plus encore, prenant toujours en exemple pour chacun des sketchs (en design, il s'agit d'un ensemble de photos et dessins de voitures existantes, servant de référence pour dresser le cahier des charges initial), il mettait toujours en exergue un modèle Ferrari. D'ailleurs, dans son bureau, la seule maquette de voiture de ''série'' n'était pas celle d'une Peugeot, mais d'une 250 GT SWB en ''blu serra'', rejointe ensuite par celles du superbe trio des prototypes Quasar, Proxima et Oxia.

Il commandita d'ailleurs auprès de son illustre collègue et artiste Paul Bracq (alors passé chez Peugeot en tant que chef du design intérieur après être passé chez Mercedes et BMW) un tableau représentant une Oxia en pleine lutte avec une F40 (cf. photo ci-après). Paul Bracq, lui-même, fit de nombreuses lithographies magnifiant les plus mythiques des Ferrari - certains d'entre vous doivent en avoir une reproduction, voire un original.

 

Après l'arrêt de ce partenariat de plus de 50 ans, comme évoqué précédemment, Peugeot a connu l'une de ses pires périodes en termes de design, avant de se reprendre avec l'arrivée en 2008 de Jean-Pierre Ploué, venant de chez Renault, ce dernier s'adjoignant rapidement les services de Gilles Vidal, à l'origine de la révolution du style, redonnant une vraie présence, voire stature aux productions du Lion, l'ironie faisant que ce dernier a fait depuis 4 ans le chemin inverse, ayant pour effet de ''Peugeotiser'' les Renault, contrebalancé dernièrement par la vague néo-rétro si cher à Luca di Meo, fort de ses précédents avec la nuova 500.

Il n'empêche que les membres de la famille Peugeot n'ont jamais oublié ce qu'ils doivent de ce prestigieux partenariat et lors de la disparition de Sergio, les Peugeot furent parmi ceux qui lui rendirent le plus sincère hommage.

Peugeot rend hommage à Sergio Pininfarina - Le Blog Auto

 

Après cela, l'histoire se déroule sous nos yeux. Ce qui était impensable jusqu'aux années 2010, la fusion PSA & FCA debut 2021 donna naissance à la galaxie Stellantis. L'homme fort était sans conteste le PDG de PSA, Carlos Tavarès, à la tête du groupe depuis 2014, ne pouvant attendre chez Renault-Nissan le départ d'un autre Carlos tout puissant, ayant depuis défrayé les chroniques.

Tavarès, passionné d'automobiles, pilote à ses heures (c'est grâce à lui qu'on doit la renaissance de la seule marque sportive française, dieppoise plus précisément) a (malheureusement - pas pour lui) deux plus grandes autres passions, à savoir le pouvoir et les finances (ressemblant en cela étrangement à l'autre Carlos, avec un plus de sens de la légalité et d'une certaine ''déontologie'').

Tavarès a vite compris que la pépite du groupe était Peugeot et lui a attribué ses meilleurs collaborateurs. C'était aussi un ''excellent'' laboratoire de la ''prémiumisation'', alors formule magique au vu de la réussite insolente des prémiums allemands. Nos amis germains avaient alors, pensait-on, tout bon, pariant sur la mondialisation par le haut, les nouveaux riches étant de par le monde le secteur de marché de loin le plus ''juteux'' et le plus en croissance. Ainsi de Los Angeles à Shangaï, de New York à New Delhi, de Sydney à Mexico, sans parler de la bonne vieille Europe, acquise de longue à la Deutsche Quälitat, la voiture mondiale était la Classe S, visible devant chaque palace (vrai aussi que cela a été toujours une référence), la 911, garé dans chaque parking des banques d'affaire ... sans parler de la classe C, A4 ou autre série 3, constituant la première marche vers la reconnaissance, l'entrée dans une certaine élite, partageant le bon goût que procure de confortables revenus et/ou un patrimoine significatif (?). Et le fait est que ça a fonctionné, du moins en France et l'Europe du Sud, les Peugeot (merci 3008 & 5008 se vendant de plus en plus en version GT, a minima GT Line, à l'instar des M et autre S line. Les marges ont de fait considérablement augmenté bien plus que les volumes.

Fort de cette réussite, Tavarès a été adoubé par les deux groupes, les Peugeot toujours influents ne jurant que par cet excellent gestionnaire - qualité toujours considérée en premier par la maison; il est vrai qu'à part lors le crise des subprimes - il était question de survie -, la maison n'a jamais fait appel à l'argent des contribuables bien au contraire de son frère ennemi, prêt d'ailleurs qu'elle a fait un insigne honneur de rembourser avec les intérêts, ''rubis sur l'ongle'' - et FCA, en la personne très rationnel du jeune John Elkann, projeté suite à la disparition prématurée de l'excellent et décalé Sergio Marchionne (vous vous souvenez cette sommité qui en toutes circonstances se présentait en simple pull), ne s'y est nullement apposé.

Stellantis est ainsi né, avec la nette impression d'une absorption de FCA par PSA, Peugeot devenant de fait un peu comme la marque phare de ce conglomérat hétéroclite. Pour les marques européennes, cette main-mise fut (et est) toujours évidente tant Peugeot devint le donneur universel, la 208 prêtant sa plateforme à quasiment toutes les marques medium et l'on ne parle pas du 2008 qui est même reprise par la marque fétiche américaine par excellence, à savoir Jeep. L'excellent patron de Peugeot (Imperato) fut même appelé au chevet d'Alfa Roméo pour sauver la marque.

Très rapidement, la pilule a été dure à avaler pour nos amis italiens et plus encore américains, pour qui ''Pujault'' était synonyme tout au plus de la vieille 403 de Colombo ... ou était un petit constructeur canadien (véridique, je l'ai entendu de mes propres oreilles de la part de collègues américains lors de mon séjour en expat sur place). Mais les chiffres étaient là : Stellantis était devenu le grand constructeur le plus rentable (les profits extraordinaires de Ferrari n'étant même pas comptabilisés puisqu'à part de la galaxie, étant entré en bourse avec ses propres actions courant 2015).

Plus que jamais, Tavarès était décidément l'homme de la situation. Mais la fronde se faisait de plus en plus forte. En Italie, l'arrivée de Giorgia Meloni n'y étant certainement pas étrangère, la contestation se fit de plus en plus forte, jusqu'à l'affaire du ''Milano'' - comment oser reprendre le nom d'une des plus célèbres (et plus riches) ville d'Italie à ce petit SUV sur base de l'inévitable 2008 - encore lui - et fabriquée en Pologne ? Puis vinrent les grèves des usines Dodge et Jeep, suite aux décisions de fermeture d'usines, le ''cost-killer'' Tavarès passant par là, et au scandale, la prochaine Charger, chantre des muscle car dès 1966 et revenu au sommet avec les SRT et ses surpuissants V8, allait passer à l'électrification.

Les masques sont tombés; la méthode Tavarès a fait long feu, tout comme les premiums allemands, les premiers de la classe qui à se prennent les pieds dans le tapis, double effet de l'électrification, rabattant les cartes et surtout mettant à égalité technologique une simple BYD avec une classe EQ quelque chose ou série i quelque chose, les batteries étant finalement toutes made in China, cela rajouté au fait qu'au nom du retour aux sources du communisme, Xi Jinping a mis en oeuvre sa fameuse politique du ''Luxury Shame'' consistant à déclasser les mauvais citoyens de l'empire du milieu achetant des marques de luxe étrangères, ce alors que l'offre existe désormais en Chine (Stellantis y échappe puisque ne vendant pratiquement en Chine et Ferrari étant heureusement ''hors-concours'' puisque n'ayant pas de concurrents chinois et continuant à vendre aux hyper-riches, généreux contributeurs du Parti, ce, à condition de ne jamais critiquer le très vénérable grand timonier.

 

Fin de l'histoire - pas tout à fait, car John Elkann, en personne a repris les rênes. Discret, extrêmement intelligent, prudent gestionnaire, possédant la double nationalité américaine (né à New-York) et italienne, ayant passé son bac à Paris et suivi l'école polytechnique à Turin, il a le profil idéal pour plaire aux trois piliers du Groupe : US / Jeep-Dodge, Italie / Fiat, Alfa et consorts, France / Peugeot.

Patron également de Ferrari, finalement, le hasard de l'histoire fait que les deux marques se retrouvent dirigées par le même patron.

Qu'en sera-t-il pour la suite ? Pour Ferrari, c'est assez clair, se reposant sur la clairvoyance de Benedetto Vigna.

Pour Peugeot, çà l'est moins. Fort à parier qu'il ne devrait pas trop intervenir, conscient de la valeur historique et du poids que représente ce constructeur.

Il aura plus à coeur de s'occuper de renforcer, ''réitalianiser'' Alfa-Roméo et Maserati (n'est-ce pas trop tard pour ce dernier), tout en accompagnant la renaissance de Lancia, en faisant autre chose que simple clone de Peugeot.

C'est plus sur le terrain de la compétition et plus particulièrement des hypercars, championnat (re)devenu hautement passionnant et bien plus profitable à la renommée des constructeurs (Porsche l'a compris depuis toujours) car il faudra trancher, Peugeot et Ferrari s'y affrontant depuis deux ans maintenant (enfin, si on peut parler ainsi les prestations de la 9x8 étant à des années-lumières de la 499 P, les Peugeot ayant été, à leur décharge, trompées par un changement de règlement de dernière minute, à l'initiative de Ferrari justement).

Je ne me fais aucun souci pour la 499 P (et les P2, P3, à moins que ce ne soit P7, P8 - cf. autre post sur ce sujet). En revanche, cette année devrait être décisive pour les 9x8. Au delà de leur charisme évident, annonçant d'ailleurs le prochain style des face avant Peugeot, il leur faudra absolument recoller au peloton, voire gagner a minima une course ou deux. Sinon, je ne donne pas cher de leur avenir dans la tête d'Elkann. L'avenir nous le dira. Toujours est-il que Porsche vient de remporter pour la 24e fois les 24 Heures de Daytona et la Mustang ayant remporté sa 1ère victoire en GT(D). Mais les LMh que sont les 499P et 9x8 n'étaient pas présentes car non éligibles (bien dommage). RDV le 28/02 au Qatar pour être fixé sur le niveau respectif des forces en présence.

 

PS : Pour être complet sur le sujet, contrairement à Ferrari, Peugeot n'a jamais eu d'atomes crochus avec l'autre marque au cheval cabré, c'est le moins qu'on puisse dire. Le fait d'arme le plus connu s'est passé lors du salon de Paris 64 lorsque Porsche a présenté sa nouvelle 2+2 fastback six cylindres succédant à la 356 sous l'appelation 901 (comme premier projet de la nomenclature commune Porsche-VW depuis l'alliance conclue entre les 2 constructeurs), Peugeot ayant déposé un recours en justice pour interdire Porsche d'utiliser cette appellation sur le territoire français, sous prétexte que la numération avec le 0 du milieu (représentant l'ancienne forme du démarrage à la manivelle des premières voitures) avait été déposé par Peugeot.

Magnanime, Ferry, passant au-delà de la mesquinerie de ce franchouillard de constructeur, a décidé immédiatement, et pour tous les pays, de changer l'appellation 901 pour 911 (bien lui a pris avec le recul), et ce même si une centaine de véhicules avait été produits avec le logo 901 (devenues d'ailleurs les plus chères des ''Classic''). Enfin, c'est la version largement répandue chez nombre de Porschistes.

En y regardant de plus près, l'histoire est tout autre. Après la défaite humiliante de juin 40 et l'occupation qui s'ensuivit, Anton Piëch, gendre de Ferdinand Porsche et beau-fils de Ferry, assez fervent supporter du régime nazi (bien plus que les Porsche) qu'il a rejoint dès 1937 avant l'Anschluss, intégrant même les SS courant 44, a été chargé dès l'occupation,de par sa connaissance du secteur, de ''transformer'' les constructeurs automobiles français au service du IIIe reich. Nommé courant 1941 à la tête de Volkswagen, il n'eut le temps que de ''s'occuper'' des usines Paugeot, installés sur les territoires injustement confisqués à l'empire germanique. Il n'hésita pas à mettre ses hommes de main qui, dès l'instauration du STO en 1942 (rien à voir avec Lambo, s'agissant du Service du Travail Obligatoire envoyant en Allemagne des travailleurs français en tant que véritables esclaves puisque non rémunérés, juste nourris et logés pour survivre) ont littéralement déporté des milliers d'employés de Peugeot, sans compter l'envoi en camps de concentration les employés d'obédience juive ou soupçonnés de communisme (nombreux suite au récent front populaire).

A peine 20 après, au sein de Peugeot, il y avait encore de nombreux survivants de cette très sombre période, dont de jeunes ingénieurs à l'époque ayant accédé aux postes de Direction alors. On comprend alors mieux la position de Peugeot et la réaction très rapide de Ferry, soucieux de ne pas faire resurgir ce très peu glorieux moment de l'histoire.

La rancune a été tenace, puisque 25 ans plus tard, alors que Renault et Volvo, conscients du piètre rendement du ''fameux'' PRV en comparaison des 6 cylindres en ligne allemands (toujours ce complexe d'infériorité), voulaient solliciter l'expertise de Porsche en tant que motoriste (d'autant que nous sortions de la période de gloire du TAG Porsche) pour remettre au goût du jour le V6.

Peugeot s'y opposa farouchement.

Il fallut attendre 10 ans supplémentaires, et la fin du règne Calvet, pour que Peugeot change d'avis (le coupé 406 ayant été justement le premier à profiter de cette mise à jour par Porsche).

Depuis, les relations se sont pacifiées.

 

Ferrari mini.jpg

250 GTE.jpg

404 coupé.jpg

404 Peugeot châssis.jpg

404 Ferrari.jpg

Oxia F40.jpg

LM Paul Bracq.jpg

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Nanthiat

Merci 😉

J'adore ces retours sur l'histoire, surtout de ceux qui ont vécu "l'histoire"... Merci. 

Edited by Nanthiat

Fâché avec le sérieux et totalement insupportable 😅😁   

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4.9. Superfast

De nada !

J'en ai d'autres dans l'escarcelle !

Et comme évoqué par ailleurs, me trouvant en ce moment bloqué, avec le pied droit dans le plâtre (plus qu'une semaine !), c'est un excellent moyen de passer le temps.

Toujours un plaisir de partager sa passion avec d'autres passionnés.

On se comprend 🙂

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Nanthiat
il y a 19 minutes, 4.9. Superfast a dit :

De nada !

J'en ai d'autres dans l'escarcelle !

Et comme évoqué par ailleurs, me trouvant en ce moment bloqué, avec le pied droit dans le plâtre (plus qu'une semaine !), c'est un excellent moyen de passer le temps.

Toujours un plaisir de partager sa passion avec d'autres passionnés.

On se comprend 🙂

Ha toi aussi 😁 moi c'est encore 3 semaines 😆 mais bon j'suis quand même au boulot sinon je deviens fou.

En tout cas très sympa de te lire 😉


Fâché avec le sérieux et totalement insupportable 😅😁   

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bernard
il y a 52 minutes, 4.9. Superfast a dit :

De nada !

J'en ai d'autres dans l'escarcelle !

Et comme évoqué par ailleurs, me trouvant en ce moment bloqué, avec le pied droit dans le plâtre (plus qu'une semaine !), c'est un excellent moyen de passer le temps.

Toujours un plaisir de partager sa passion avec d'autres passionnés.

On se comprend 🙂

Il y a bien d'autres exemples de la collaboration entre Peugeot , Ferrari et Pinin Farina , comme le ventilateur débrayable de chez Peugeot , utilisé sur certains modèle Ferrari 😉 


Pour le registre des  Maranello  , je suis à la recherche de toutes informations , n° Vin , # ass et n° moteur  ainsi que la configuration !.

Suzuki Swift 1,2 GLX Hybride
Ferrari 612 Scaglietti , Grigio Silverstone /Nero

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GuillaumeL458

Et donc la 403 d’Enzo dans le film de Michael Mann ? Erreur historique ou vraie anecdote ?

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Auguste

Récit passionnant qu'on lit en entier. Politique, histoire, guerre, argent, vengeance, suspense, rebondissement: tout y est...ou presque.

Merci pour ce témoignage et les suivants...

 

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4.9. Superfast

Un petit complément.

Tout d'abord ci-après cette sympathique photo de Dino Tagliazucchi, chauffeur personnel et homme de confiance d'Enzo, posant à côté de la fameuse 404.

 

Egalement merci @bernard pour ces compléments et notamment quant aux échanges techniques.

 

Pour compléter aussi, un personnage important dans cette idylle, en l'occurrence Paul Bouvot.

Paul Bouvot avait été embauché en 1956 par le Directeur technique de Peugeot, Simon Boschetti de racine italienne (ce qui peut expliquer les accointances entre Peugeot et Pinin Farina dès le début des années 50 en plus des contacts déjà établis par Battista avec la marque de Sochaux avant-guerre) pour assister Henri Thomas, l'homme de l'art des carrosseries chez Peugeot, qui s'était distingué en créant la ligne fusée Sochaux dans les années 30.

Il le remplace lorsque Thomas part en retraite en tant que ''conseiller extérieur attaché au bureau de style''. A ce titre, il est l'interlocuteur privilégié des établissements turinois Pinin Farina qui, depuis le design de la 403, est devenu un partenaire de premier plan.

En visite chez le carrossier turinois, il croisaient forcément les chefs d'oeuvre à destination de Maranello qu'il avait déjà pu apprécier en transformant une 212 inter d'une de ses relations avant son entrée chez Peugeot. C'est d'ailleurs pour lui une véritable bouffée d'air, un peu coincé qu'il est en rentrant à la maison pour imposer ses idées de modernisation du style, la Direction étant alors éblouie par le style by Pinin Farina - on peut les comprendre -( son succès majeur (mais un peu l'exception) étant la 204 Coupé que la Direction a préférée à la proposition de Pinin.

De fait, Paul Bouvot n'hésite pas à craquer en achetant la California SWB qu'Alain Delon a utilisée deux ans, l'ayant lui-même achetée auprès de Gérard Blain, acteur et réalisateur que Delon connaissait bien (la fameuse #2935 GT rachetée bien plus tard par le transporteur Baillon et qui a tant fait parlé il y a 10 ans - eh oui déjà - lors de la mise en vente de la collection du même nom par Artcurial lors de l"édition 2015 de Rétromobile). Après l'avoir immatriculée à son nom (6101 RU 75) et utilisé une petite année (cf. 2e photo prise par Bouvot lui-même avec son épouse à la place passager), n'hésitant pas à se rendre au ''bureau'' à son volant, il la revend pour acheter une autre California , la #2175 GT, ex-Vadim, via son ami Jess G.Pouret en charge des ventes Ferrari au sein de la Franco-Britannic. Voiture qu'il échangea un an plus tard, toujours via Jess G. Pouret contre une 275 GTB (#07555, celle-là même qui sera acquise bien plus tard par un certain Jean Becquet, évoqué par ailleurs / cf. post ''Suoerfast : toute une saga !''). Il l'utilisa intensément durant l'année pendant laquelle il la conserva avant de la revendre. Avant de faire l'acquisition d"une autre belle italienne, une Miura S en l'occurrence. L'homme avait bon goût.

Il passa lui-même la main à Gérard Welter en 1980 qu'il influença fortement (comme toute relation ''Jedi - Padawan'') - on comprend mieux la grande admiration de ce dernier pour les productions de Maranello.

Une fois retiré, il continua à développer ses talents et sa passion sous forme d'oeuvre d'art (cf. 3e photo, fresque impressionnante où l'on reconnait ''l'écorché'' d'une 330 P4 à destination de son ami Pierre Bardinon, celle-ci étant encore visible au Mas du Clos).

 

Un complément non négligeable qui explique côté de chez Peugeot l'admiration sincère et profonde pour Enzo et ses chefs d'oeuvre.

 

Je ne sais pas si cette profonde et mutuelle relation humaine stylistique et technique trouve encore des échos auprès des plus actuels collaborateurs des marques respectives.

Mais, comme parié, je ne doute pas de l'extrême intelligence tant financière qu'humaine de John Elkann pour ré-insuffler de telles nobles et enrichissantes collaborations au sein de Stellantis vs Ferrari.

Et elles sont nombreuses au delà de Peugeot :

- Les Fiat Dino (coupé by Bertone, la DBS de chez Fiat & cabriolet by Pininfarina), pendant ''industriel'' de la Dino tout court - superbe entrée en matière de la fusion Fiat-Ferrari,

- La Lancia Stratos (et toujours le V6 Dino) qui a certainement inspiré Daniel Marin pour la 308 GTB Gr IV

- Toujours chez Lancia, la Thema 8.32 (héritant du V8 de la 328, - 20%, histoire de rester à distance de la généreuse donatrice) - sortie en 1986, un peu trop tard pour qu'Enzo en profite en tant que daily pour Dino Tagliazucchi, mais sans nul doute qu'il a approuvé à l'origine ce transfert, histoire de pimenter la Théma 2 litres lui ayant été allouée

- Evidemment la fusion avec son concurrent historique de Modène, Maserati (voir à ce titre le ''Ferrari Maserati : le duel'' by Serge Bellu) entre 1997 et 2017, certainement un âge d'or avec le recul pour le constructeur au trident (d'autant plus à la lumière de la situation très critique de cet illustre marque créée plus de 33 ans avant Ferrari,

- Sans parler de la mère ''Alfa-Roméo'' dont la 8C a bien récupéré via Maserati un V8 by Ferrari et les derniers V6 bi-turbo des Giulia & Stelvio Quadrifoglio 

- Sans compter (certes un peu pilotractée) du mariage improbable d'une Jeep Wagonner avec une Ferrari 365 GT 2+2 (objet de l'une des excellente rubriques ''Les Ferrari oubliées'' en dernière page d'Enzo).

 

L'avenir nous le dira.

404 Ferrari.jpg

California Bouvot.PNG

Bouvot & P4.PNG

LANCIA-THEMA-_-DP-1.jpg

Jerrari.PNG

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