0
4.9. Superfast

Superfast : toute la saga !

Messages recommandés

4.9. Superfast

Bonjour à toutes et tous,

 

Avec un tel patronyme, difficile de ne pas aborder un tel sujet. Enfin, aborder, plutôt approfondir, devez-vous vous dire pour avoir lu mes post précédents ?

J'avoue : j'aime bien aller au fond des choses quand un sujet m'intéresse. Sinon, à quoi cela sert de partager sa passion si c'est pour rester sur l'écume des sujets et reprendre des banalités, lues et revues ailleurs, que n'importe quel bloggeur aidé de chat GPT ou Le Chat (oui, c'est le nom de la version française) ou encore Deepseek, la dernière copie chinoise, en plus performant pour vingt fois moins cher (Aïe, Donald, Elon, ''those bloodies Chinese !'') pourrait nous débiter en 5' chrono ?

Pardon, je m'emporte.

Mais bon, ''saperlipopette'', comme dirait notre bien désoeuvré président !

 

Et, justement, je vais continuer par un coup de gueule. Il vient de loin, puisque la rancoeur remonte à la dernière présentation de notre chère 812 Superfast, la dernière en nom.

A l'ère d'internet et Chat ou Deep etc, c'était il y a une éternité.

A l'époque, les bloggeurs - pardon influenceurs (parlons français) - se comptaient à peine sur les doigts d'une main : Norman, Cyprien, Macfly & je ne sais quoi (on parlait alors plutôt de ''youtubeurs'', de par la plateforme de diffusion créée juste 10 ans plus tôt). J'admets qu'à l'époque, à l'écoute de de mes deux premiers, je pensais qu'ils parlaient plus de leurs copains. ''Norman, quel drôle de prénom'' pensais-je. ''Mac Fly, mais, oui, ils parlent certainement du retour vers le futur'', tout fier, me disais-je, qu'ils faisaient référence à ce film culte berçant, ma (notre ?) jeune adolescence, avec la toute aussi cultissime De Lorean (pour nous, déjà passionnés de tout ce qui avait 4 roues et une ligne un tant soit sportive).

Bref, à cette époque, nous regardions encore la télé (du moins, nous plus ou moins jeunes parents) et deux émissions phare régnaient encore pour les ''bagnolards'' : une, historique, sur la chaîne du même chiffre, associant les deux abréviations des 4 et 2 roues, et l'autre, animée déjà depuis 30 ans, sur la ''petite chaîne qui monte'', reprenant le nom de ce fameux boost technique associé depuis 50 ans à la plus célèbre des voitures de sport germanique (vous savez son nom de code est ''930''). Soit dit en passant, pour les avoir revisionnées l'une et l'autre récemment en replay, je trouve qu'elles ont pris un sacré coup de vieux (Est-ce à cause de l'âge des animateurs ? Ou de la déprimante actualité autophobe qu'ils se sentent obligés de nous servir ? Ou la platitude des essais, le politiquement correct les amenant à favoriser les déplaçoirs électriques au détriment des voitures passion ? ... C'est vrai, il est loin le temps des essais qui nous faisaient vibrer. Je ne me lasse pas de vous joindre ici le lien de celui qui nous a toutes et tous, Ferraristes confirmés ou patentés, laissé une trace indélébile dans le coin de nos têtes.

Essai Ferrari F40 LM avec Jacques Lafitte

 

Alors remis de vos frissons 🙂

Bref reprenons.

En 2017, les audiences étaient alors encore au top, alors quand à l'annonce du sommaire, j'aperçus ''Essai exclusif de la 812 Superfast'', mon sang ne fit qu'un tour. Vite, télécommande du lecteur en main : OK. Doigt sur la touche Rec : OK.

Et là, début de l'essai - touche Rec enfonçée : YES ! Stop. ''Moteur, on tourne''. Gag, le présentateur, journaliste expérimenté, visage bien connu, déambule dans les ruelles d'un petit village italien, au guidon (oui, pas d'un volant) d'un Piaggo Apre, dernier successeur du célèbre tricycle Vespa ... Ah, la bonne blague. Et là, au sortir du village, en bordure d'une petite route bordée de cyprès, le choc : enfin, tapie dans l'ombre, on aperçoit l'arrière déjà menaçant de la tant attendue héritière de la Daytona, ses 4 feux ronds fumés sous fond du rosso corsa nous faisant déjà vibrer, puis, travelling aidant, ses flancs concaves creusés du haut de l'aile arrière jusqu'au bas de l'aile avant, ses jantes réinventant le nombre d'or qui, depuis Euclide, a défini l'angle de la proportion parfaite, 72 ° - 360/5 - soit autant de branches, forgées, creusées et courbées comme sous l'effet de la vitesse et enfin ce capot interminable terminant sur ce regard terrible, perçé de 2 ouïes soulignant de part et d'autre les phare félins.

On retient son souffle. Quelles seront les premières réaction de cet éminent et chanceux reporter ? Et là, ô cruelle déception quand, se croyant au micro des grosses têtes (attention, n'y voyez aucun reproche mais l'émission n'est pas reconnue pour son extrême finesse), plus qu'au pied d'une de la 8e merveille sur 4 roues, ce dernier nous lance : ''Superfast. Super-rapide, on peut se dire que chez Ferrari, ils se sont pas foulés. Comme si on allait se dire qu'elle allait être super-lente'' (Rires) et de continuer ''Après la ''La Ferrari'', y'a pas à dire, les noms, c'est pas leur fort chez Ferrari''. Vlam, bang, boum, ha, ha, hi, hi, oh, oh ... Affligeant ! Désespérant !

Avec le flot et l'accumulation des vidéos, je n'ai pas retrouvé l'extrait en question, et puis, il n'est pas question ici de faire le procès de qui que ce soit.

Quand même, quelle honte pour un journaliste soi-disant renommé, ayant eu l'insigne honneur de visiter à plusieurs reprises les lignes de Maranello et ayant pris le volant d'à peu près toutes les productions du cheval cabré depuis au moins la F355. Quelle ignorance crasse à ce niveau ! Ou alors, c'était soi-disant un trait d'humour, et c'est pire encore.

Passe pour la ''La Ferrari'' - beaucoup d'autres s'en sont moqués à sa sortie, face à ce manque de modestie plus que d'imagination. Mais face à un tel chef d'oeuvre, le temps a très vite fait son oeuvre. Plus personne n'ose s'en glousser, bien au contraire, tant l'ensemble, voiture et nom sont devenus indissociables et mythiques (je sais - je recours souvent à ce qualificatif - mais pour le coup, je ne trouve pas d'autre mot).

Superfast = super rapide, très drôle ! On aurait pu l'admettre si ce patronyme n'avait jamais été utilisé. Mais certainement pas alors qu'il fait partie intégrante de l'histoire, voire de l'ADN de Ferrari.

 

Le contexte :

Nous sommes en 1956 - Après moins de 10 ans d'existence, Ferrari est alors en pleine ascension, en tout cas d'un point de vue sportif (la vraie passion d'Enzo), double victoire au Mans ainsi qu'à la Targa Florio, triple champion du monde en formule 1, sept fois vainqueurs des Mille Miglia ... Aucune marque n'avait fait mieux, et surtout en si peu de temps.

Enfin, avec à peine plus de 80 voitures vendues et moins de 400 depuis la création alors que Porsche célébrait la même année la 10000e (quand bien même les prix de vente n'avaient rien de comparable), il fallait quand même conquérir de nouveaux clients au delà des seuls gentlemen-drivers, ne serait-ce que pour couvrir les frais de développement et de fonctionnement de la Scuderia, de plus en plus engagée sur tous les fronts.

Chiffres de production Ferrari - autoencyclopedie.com | Histoire de l'automobile

 

A l'origine :

Il faut dire qu'il fallait une sacré dose de courage pour oser ''commercialiser'' des voitures de sport hors de prix, deux ans après six années de black-out total, ayant rendu toutes les populations de par la monde, et particulièrement en Europe, proche de la misère.

Toute sauf une, celle des Etats-Unis, grand vainqueur tant sur le plan militaire qu'économique. Plus que conscient du péril venant de l'Est, les américains vont naturellement prêter main forte à l'Europe meurtrie, accélérant sa reconstruction. Mais la route est longue.

L'eldorado se situe bien outre-atlantique. Porsche, plus soucieux du développement commercial de sa marque, l'avait bien compris, se rendant sur place dès 1950, ce alors qu'a peine plus de 50 voitures étaient sorties des ateliers de Gmünd. Il y rencontra en la personne de Max Hoffman, homme d'affaires avisé, ex-autrichien et prêt à conquérir les Etats-Unis, convaincu de l'appétence de la riche jeunesse américaine pour les légers roadsters et coupés européens, Jaguar & MG en tête. Ce fut l'homme providentiel, Porsche y écoulant dans les 5 années qui suivent près de 4000 véhicules sur les 8000 produits, dont l'intégralité des 1000 speedsters.

Du côté de Ferrari, l'homme de la situation s'appelle Luigi Chinetti. Pilote de talent entre 1928 et 1957, triple vainqueur au Mans (dont la célèbre victoire sur la 166 MM en 1949), doté par ailleurs d'un excellent sens des affaires, il avait fui l'Europe avant que la guerre n'éclate et obtint la citoyenneté américaine en 1946.

Convaincu de la supériorité des Ferrari, il était certain d'attirer de nombreux riches gentlemen-drivers américains. Mais pour définitivement les séduire, il était aussi convaincu qu'il fallait de bien plus gros moteurs qu'un simple 2 litres, quand bien même il s'agissait d'un V12 et d'un bien meilleur rendement que les gros V8.

Il n'a aucun mal à rallier Enzo à sa cause. Comme tout italien, Enzo avait une haute opinion des américains, ces derniers les ayant dès fin 43, bien avant la France, libéré d'un régime ayant mené le pays à la ruine, après lui avoir promis le retour à la grandeur de l'empire romain, mené par un bouffon se prenant pour César, hélas soutenu par un autre fou furieux, bien plus dangereux.

Aussi commissionna-t-il un autre brillant ingénieur motoriste, Aurelio Lampredi, pour développer et mettre au point un moteur du double de la cylindrée de celui développé par Colombo.

Dès septembre 1950, le moteur cubant unitairement 340 cm3, soit 4080 cm3 au total, était prêt pour être installé dans le premier châssis (en l'occurrence le #030 MT), une ancienne 275 S barchetta recarrossée par Touring pour l'occasion.

La voiture ainsi motorisée fut présentée au salon de Paris le 5 octobre 1950 avec l'appellation évidente ne laissant planer aucun doute quant à sa cible ''America''.

L'ironie est qu'elle fut vendue à d'abord à Vittorio Marzotto, gentlemen-driver italien avant de passer dans les mains de deux autres compatriotes. Ce n'est qu'en juillet 1958 qu'elle atteint sa cible aux mains d'un certain Caroll Mills.
La suivante en revanche, toujours en barchetta Touring (#032 MT), suite à son engagement au Mans 51 et une honorable 8e place, fut cédé dès 1952 au californien Henry Manney. Elle est toujours au pays de l'oncle Sam.

Enfin, je ne vais pas les passer une par une; il y a en eu quand même 23 de produites : 11 barchetta (6 touring + 5 vignale) / 7 berlinetta (2 touring + 5 berlinetta) / 4 coupé (tous Ghia) et 1 cabriolet Vignale. Et sur les 23, 19 traversèrent l'Atlantique pour rejoindre leurs propriétaires, dont une dizaine directement au sortir de l'usine. Pari réussi.

Mais Luigi Chinetti sait bien qu'il ne pourra se contenter d'importer uniquement à destination des gentlemen drivers, d'autant que d'autres constructeurs européens proposant des bases bien moins chères (certes bien moins puissantes mais plus agiles) commencent à émerger.

Il était clairvoyant, l'arrivée courant 1953 d'une certaine petite barquette allemande commença à changer la donne. Dès l'année suivante, son succès dans la course réputée comme la plus difficile au monde, la Carrera Panamericana, fit grand bruit dans le microcosme des pilotes amateurs américains d'autant que nombre d'entre eux s'y engagent, leur suffisant de passer la frontière pour en prendre le départ. Les agiles Porsche 550, puisque c'est d'elles qu'il s'agit, prirent les 3 & 4e places devançant non seulement toutes les puissantes (mais lourdes) voitures américaines mais également deux Ferrari, une 375 MM pilotée par Chinetti en personne et une 250 Monza. Et il fallut tout le talent de grands pilotes professionnels tels qu' Umberto Maglioli, Phil Hill et Richie Ginther pour sauver Ferrari du déshonneur et placer leurs 375 MM et leur 340 chevaux devant les deux barquettes allemandes et leur modeste 115 chevaux, ce aux mains d'un pilote d'essai et d'un tout jeune pilote.

Un peu comme ci, une 296 GTB piloté par Leclerc se faisait talonner par une A110 (la version de base, pas la R) piloté par un jeune pilote issu de la formule 4.

Pour Enzo, comme il l'écrit dans ses mémoires, ce fut une grande victoire. En réalité, on le savait chez Porsche, c'était un véritable exploit qui annonçait de grandes victoires à l'avenir et Max Hoffman, en fin communicant, sut en tirer parti.

 

Le déclic ''America'' :

Par ailleurs, Luigi, à l'écoute des clients, entend bien qu'ils recherchent en parallèle des voitures plus utilisables sur route, dotées d'un moteur plus souple et d'une boite de vitesses synchronisées d'un maniement plus aisé. C'est ainsi qu'il demanda de dériver une version routière des 340 America (à l'instar des 212 inter par rapport aux 212 export).

Il eut l'aval d'Enzo, plus curieux de voir comment son tout nouveau partenaire allait habiller ces Ferrari de ''luxe'' que désireux de rendre ses voitures plus confortables.

Il n'était pas question, comme pour les 212, de changer de patronyme. Cela devait rester des ''America''. La distinction eut lieu donc sur le chiffre initial passant à 342 alors que la cylindrée unitaire restait à 340, la puissance passant de 220 à 200 chevaux pour gagner en couple et donc en souplesse. Une première entorse au système de numérotation en vigueur depuis les origines. En fait, c'était des 340, 2e version ou 340-2, mais il était tout simplement de les désigner directement 342.

Comme il s'agissait d'un coup d'essai, six voitures furent seulement produites en toute fin 52, la première carrossée par Vignale (un cabriolet bi-ton vert olive - vert clair), et les cinq suivantes, comme prévu, par Pinin Farina (2 cabriolets puis 2 coupés).

La moitié restèrent en Europe, la Vignale (#0232 AL) en Suisse, le premier cabriolet Pinin (#0234 AL) acquise par Léopold III, roi des belges et amateur de la première heure des Ferrari, tout comme son épouse, Lilian de Réthy, et le premier coupé Pinin (#0240 AL) en Italie. Au final, seul ce dernier est resté en Europe, passant par la Suède puis enfin en Allemagne au il réside toujours au Layer's Auto & Technik Museum, les cinq autres résidant aux US. Une fois encore pari réussi !

Avec la grande calandre ovale imposée par le refroidissement plus important que pour le ''petit'' 212, l'équilibre de la voiture n'était pas aussi évident. Pinin Farina avait en fait repris le dessin de sa toute première carrosserie réalisée 7 mois plus tôt sur base de 212 inter (#0177E) - un cabriolet noir vendu à Georges Filipinetti, fondateur de la future célèbre écurie suisse du même nom.

Je vous laisse juge en comparaison des 2 premières photos : #234 AL vs #177 E.

 

Dèslors, il paraissait évident pour les équipes Ferrari qu'il y avait deux marchés pour les voitures de route : un pour l'Europe, un pour les Etats-Unis. D'où le développement de deux motorisations distinctes sur la base du V12 Lampredi, un 3 litres (250) pour le marché européen et un 4,5 litres (375) pour le marché américain. Et très logiquement, les ''gammes'' respectives allaient s'appelait 250 Europa et 375 America, châssis, transmission et carrosserie restant similaire dans un but d'uniformisation (et de moyens financiers), le V12 Colombo étant conservé uniquement pour les voitures plus sportives, destinés à la compétition (les 250 ''MM'', première pierre de la future et légendaire lignée des 250 GT).

De fait, 250 Europa et 375 America furent dévoilées en même temps sous la coupole du Grand Palais, fief historique du Salon de Paris. Toutefois, histoire de bien distinguer les deux modèles, la 250 (#0295 EU) est présentée sous la forme d'un coupé Vignale, ce carrossier de la première heure ayant toujours voix au chapitre chez Ferrari (#0295 EU), la voiture se distinguant par une livrée rouge à flanc noir, surlignant le design ''baroque'' bien caractéristique de la maison Vignale, et la 375 (#0293 AL) sous la forme plus discrète mais néanmoins imposante d'un coupé Pinin Farina dans une robe bleu pastel et grise.

Produites entre 1953 et 1955, les ventes demeurent confidentielles, la 250 Europa étant logiquement deux fois plus produites que la 375 America : 22 unités pour l'Europa vs 11 pour l'America.

Pour cette dernière qui nous intéresse, il s'agit uniquement de version coupé (8 Pinin Farina et 3 Vignale - on sent la prédominance de Pinin Farina qui va bientôt se transformer en exclusivité).

Enfin, pour être exact, il faudrait ajouter une douxième, le seul cabriolet (#0353 EU), signé Vignale, initialement équipée du ''petit'' 3 litres lorsque acquise par Giuseppe Colizzi, grand réalisateur romain, partageant en cela le même goût que son confrère Rosselini. Grand seigneur ou simplement père aimant, il l'offrit à sa fille Bianca. Laquelle la revendit assez rapidement à un certain Harry Burl Chambers, californien résidant en Italie depuis 1950 et membre de l'automobile club d'Italie. En bon américain, il confia la voiture au département après-vente toujours localisé à Modène pour troquer le 3 litres pour une 4,5 litres. La voiture changea de numéro de châssis passant de #0353 EU à #0353 AL. A son retour aux US en 1960, Chambers rapatria la voiture. Elle restera américaine jusqu'en 1997, changeant 2 fois de propriétaires, avant de partir pour Hong Kong. En 2022, elle revint sur ses terres d'adoption pour être vendue aux enchères par Sotheby's en marge du ''Peeble Beach concourse''. Elle fut acquise pour la coquette somme de 8 millions de dollars. La boucle était bouclée.

Là également et plus encore, carton plein avec 11 voitures aux mains de ''bons'' citoyens américains, la seule #0317 AL, un beau coupé Pinin Farina, dans une élégante gris argent et toit gris fusil, étant toujours restée outre-quiévrain. Elle fut la seule d'ailleurs à courir, engagée fin 1954 à la 24e édition du rallye de Genève par son propriétaire et pilotée par son ami Jacques Swaters, par qui il l'avait achetée. La voiture finit à une belle 10e place et seconde dans sa catégorie.

Voir ci-après en 3e photo, cette voiture dans sa discrète configuration de course entourée à sa droite de la #0337 AL, coupé Vignale dans un jaune surprenant tout comme son phare additionnel central et à sa gauche (côté conducteur) de celle que je m'apprête à vous décrire. Pour les Ferrariminiatu-ristes, vous aurez connu 3 modèles sortis en leur temps chez BBR.

La dernière de la ''série'' (#0355 AL) est aussi à distinguer, de par sa carrosserie unique, sa livrée détonante associant une robe vert foncé avec un toit bordeaux, toit également largement vitré dan sa partie supérieure et son prestigieux acquéreur, Gianni Agnelli, petit-fils du fondateur de la Fabbrica Italina Automobili Torino, plus connu sous son acronyme (vous aurez compris) et futur grand patron de l'empire Agnelli, suite au décès prématuré de son père. L'histoire se répétant, c'est aujourd'hui son propre petit-fils qui se trouve désormais aux manettes de Ferrari et de Stellantis, rien de moins.

Il s'agissait là déjà de sa troisième Ferrari ''spéciale'', qui fut suivi de bien d'autres.

Giovanni Agnelli : l’ Avvocato et ses Ferrari

 

Pour être exact, à ces 12 375 America il convient d'ajouter cinq 375 MM, pièces uniques toutes sortie courant 1955, carrossées sur mesure, alliant le V12 de compétition le plus puissant aux plus belles lignes et plus luxueux habitacle possible, soit la combinaison de rêve qui allait façonner la famille des Superfast. Imaginez pour l'époque un rapport poids/puissance dépassant à peine les 3 kg/ch (soit mieux que Ferrari pouvait proposer une cinquantaine d'années plus, mieux que celui d'une 575 M ou même d'une 360 Challenge Stradale - @Franck, si tu as eu la patience de me lire jusque là, çà doit te causer !). Ceux sont des voitures tellement exceptionnelles qu'elles méritent un sujet pour elles seules.

 

La confirmation ''Super America'' :

''Citius, Altius, Fortius'' comme le reprenait à son compte Pierre de Coubertin comme devise des Jeux Olympiques de l'ère moderne démarrant à Paris en 1924 (un siècle plus tard, au vu de la dernière édition, on peut se dire qu'il avait raison). Plus prosaïquement, pour les adeptes d'autres jeux un peu moins olympiques, en fait carrément franco-français, se déroulant dans un célèbre fort en face de la Rochelle et qui on fait les heures de gloire d'Antenne 2 (Aïe, ça date), on se souvient bien du cri lancé en fin de chaque épisode par l'animateur vedette : ''Toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus fort''.

C'est exactement la ligne de conduite suivie par le trio magique, Enzo, Sergio & Luigi, pour ce qui est devenue la ''crème de la crème'' pour les richissimes passionnés de vitesse, sans se déparer d'une certaine notion du luxe.

Ils n'y allèrent pas pas quatre chemin, en maximisant le Lampredi grâce à l'adoption de nouvelles chemises permettant d'augmenter l'alésage jusqu'à la respectable cote, obtenant ainsi une cylindrée unitaire de 410 cm3 - soit 4962 cm3 (Il fallut attendre 1993 avec la 456 pour voir cette cylindrée dépassée. La 512 BB et la Testarossa cubaient 4943 cm3). En parallèle, le châssis avec son respectable 2,80 m d'empattement a été revu, bénéficiant du retour d'expérience des premières 250 GT, les voies avant et arrière sont élargies de 13 cm.

Pour marquer le coup, il fallait souligner cette importante évolution et pour ce faire, quoi de plus simple et efficace que de la qualifier par la supériorité apportée, sous sa forme la plus percutante et la plus parlante : ''Super''. Le nouveau porte drapeau serait donc la ''410 Super America''. On ne peut plus clair pour la clientèle américaine.

Et il est vrai qu'il n'en fallait pas moins, tant les constructeurs américains commençaient à hausser le jeu. Le premier étant Chrysler qui avec sa nouvelle C-300, sa carrosserie fuselée et agressive, son intérieur fastueux et son gros 5,4 l V8 Hemi proposait en 1956 pas moins de 360 chevaux, soit 20 de plus (théoriquement) que la 410 SA (mais avec 2 bons quintaux supplémentaires). C'était la première de cordée d'une nouvelle génération de voitures qui allait devenir légendaire, les ''muscle cars'', ces dernières abandonnant toute notion de luxe pour celle de la course à la puissance (les châssis n'évoluant cependant en conséquence. Mais laissons le sujet aux fans d'américaines).

La 410 Super America, désignée plus simplement 410 SA a été produite entre 1956 et 1959 en trois séries distinctes :

1 - La première se compose de 16 unités (15 coupé dont 13 Pinin Farina, 1 Ghia et 1 Boano et 1 seul cabriolet par le même Boano). Elles sont toutes aux mains de collectionneurs américains, confirmant ainsi que la voiture leur était bien destinée.

Les coupés Pinin Farina ont tous adopté une élégante ligne tri-corps avec une grande lunette arrière inclinée et bombée dans la continuité d'un large pilier ''B'' (le montant central en langage de designer) légèrement incliné de haut en bas vers l'avant, accentuant ainsi l'effet de vitesse. C'était un début d'une certaine standardisation, tant est que l'on puisse utiliser ce terme pour une si faible quantité. Ce fut bien plus le cas à partir de 1958 avec le coupé 250 GT.

En revanche, concernant le coupé Ghia '(#0473 SA) - cf. 4e photo - ainsi que le coupé (#0477 SA) - cf. 5e photo - & cabriolet (#0485 SA) Boano - cf. 6e photo - ont été à l'opposé dans un style totalement inédit et pour le moins baroque, à la limite de l'outrance et d'une certaine vision aéro-futuriste faisant alors fureur outre-atlantique. Nous étions en pleine période de l'american dream et tout début de ce que l'on appelait la conquête spatiale.

A comparer avec le concept-car (ou plutôt Dream Car), la bien nommée, Lincoln Futura (cf. 7e photo) présentée un peu partout à travers les US un an auparavant. Elle fut l'inspiratrice de la 1ère Batmobile sur nos petits écrans - certains d'entre-nous se souviennent peut-être avec émotion du modèle de chez Gorgi-Toys, la branche américaine des célèbres DInky. J'en ai un vague souvenir, mon plus jeune oncle, alors adolescent en pleine émancipation m'ayant dû me la filer avec d'autres Dinky ou Norev. Mais, à 5/6 ans, ce n'étaient que des jouets, avec le traitement qu'à cet âge, on leur réserve. Dommage, un beau modèle dépasse aujourd'hui aisément les 300 € sur le web. Un petit lien pour que cela intéresse - divertissant.

Les 5 Batmobiles les plus célèbres de la saga

 

La #0473 SA fut commanditée en direct auprès de Ghia, carrosssier alors en vogue outre-atlantique pour avoir contracté dès 1951 avec Virgil Exner, alors designer en chef chez Chrysler, ce dernier connu entre autre pour avoir introduit les fameux ''fins'' (ailerons arrière) qui firent florès tout au long des années 50 et début 60, non seulement chez les fameux Big-Three, mais aussi chez les carrossiers, étonnamment même par Pinin Farina qui reprit justement cet effet pour la première Superfast. J'y reviendrai. Le client était un certain Robert C Wilke de Milwaukee (Wisconsin), propriétaire d'une grande imprimerie, talentueux pilote à ces heures, avant de fonder sa propre écurie. Il fit notamment courir aux 5OO miles d'Indianapolis avec succès de nombreuses monoplaces roadster équipées du célèbre moteur Offenhauser.

Il réussit à obtenir d'obtenir encore plus grande cylindrée, l'augmentant de 200 cm3. La nouvelle puissance obtenue ne fut pas communiquée.

Il est peu de dire que Ghia laissa libre cours à l'extravagance du jeune designer en charge du projet, Giovanni Savonuzzi, usant de tous les artifices et ornementations à l'américaine, allant même à remplacer le traditionnel volant Nardi en bois par un bien plus américain en bakélite noir et branches chromées tout de même. Savonuzzi lui donna même un surnom ''Gilda'', sans aucun doute en hommage aux formes avantageuses de la star italienne des années 50/60 🙂 - Pour celles et ceux qui ne connaissait pas cette voiture, je vous laisse juge du résultat.

Il conserva la voiture pendant plus vingt ans avant de la revendre à un de ses amis, résident à Milwaukee également et ayant piloté pour Wilke. Elle changea ensuite deux fois de mains courant des années 80 avant de rejoindre la collection de Robert Lee, grand collectionneur américain (je ne sais pas s'il y a lien avec le David du même nom, possédant également un garage de rêve dont les fameux Hyper-five en doublon : rouge - jaune avec l'une des deux seules 288 GTO dans ce coloris*, l'exhibant fièrement sur YouTube).

La #0477 SA eut un ''cursus'' très simple. Acquise par un certain Mr Upton dans une teinte bleu glacier, elle ne fut revendue que 32 ans plus tard au même boulimique Robert Lee. Est-ce dernier qui la fit repeindre en rouge pour mieux s'harmoniser avec la #0473 ?

La voiture est désormais exposée au Musée Petersen où Robert Lee a d'ailleurs déposé l'intégralité de sa collection (près de 100 voitures sur les 400 visibles dans ce superbe musée).

Quant à son dérivé cabriolet, la #0485 SA, après être restée plus d'une trentaine d'années dans son pays d'origine, elle fut acquise par devinez qui ?

Eh oui, encore ce sacré Robert Lee qui,, cette fois, la conserva dans sa belle configuration d'origine blanc bleuté, intérieur cuir bleu pétrole.

 

2- A l'instar de la première Superfast, patience j'y viens, dévoilée entre temps, la deuxième série de 5 véhicules fut élaborée à partir d'un châssis raccourcie de 200 mm, soit 2,60 m. 5 coupés dont 4 Pininfarina reprenant le design de la première série, le seul effet notoire étant les portes devenues moins large pour ne pas trop impacter l'espace entre la ligne arrière de la porte et la naissance de la courbure avant du passage de roue arrière, ce afin de préserver l'équilibre du dessin initial.

Le seul coupé spécial fut carrossé en direct aux portes de l'usine chez Scaglietti plus destiné à mettre en forme l'habillage des ''Competizione''. Il s'agissait le premier de la très petite série (#0671 SA).

La voiture était destiné au Dr Enrico Wax, riche industriel gênois, diplômé d'un doctorat en chimie (raison pour laquelle il aimait à rappeler son titre), importateur pour l'italie des whisky Johny Walker, du champagne Moët & Chandon et d'autres marques célèbres d'alcool.

Amateur éclairé de belles italiennes, il tenait à ce que ces voitures soient uniques. C'est ainsi que la #0671 SA, sa première acquisition, reçut une carrosserie spéciale, dans un style moins baroque que les précédentes Ghia & Boano, mais moins consensuel que les élégantes Pinin, une ligne en fuseau terminé par des ailerons proéminent, décidément le trait de style de l'année 56 pour Ferrari, d'autant plus qu'ils contrastaient, laqués en blanc comme le toit alors que le reste de la carrosserie était d'un noir ébène. Deux ans plus tard, lorsqu'il passa commande de sa deuxième Ferrari spéciale (la 250 GT #1739 GT qu'il confia aux bons soins de Bertone, à mes yeux la plus belle Ferrari réalisée par cet autre illustre carrossier); il la revendit la #0671 SA à l'une de ses relations, le baron de Portanova, dit ''Ricky'', riche héritier d'une famille italienne ayant fait fortune aux Etats-Unis. Ce dernier fit transporter la voiture de son pied à terre romain jusqu'à sa propriété californienne.

Il y fit apporter quelques modifications mineures, faisant reprofiler les ailes arrières, remplaçer la grille de capot arrondie par une plus plate, allonger légèrement les ailes avant et caréner les phares avant.

Il la revendit à la fin des années 60, la voiture partant au Texas avant de revenir en Californie où elle changea deux fois de propriétaires courant des années 70, avant d'être volée, la carrosserie ayant été découpée et coulée au fond d'un lac, le châssis ayant été revendu par les ''indélicats'' à un fermier dans l'Oregon. Ca ne s'invente pas.

En 1986, Greg Garrison, grand collectionneur de pièces rares de Maranello, sans doute grâce à l'un de ses fins limiers, retrouva la trace de ce châssis ''out of barn''. Il le racheta et entreprit une restauration minutieuse dura près de 4 ans. La voiture fut repeinte dans un seyant bordeaux métallisé (sans doute un Rosso Rubino) avec les ailes en gris argent (cf. photo modèle ci-après).Suite au décés dede Garrison, elle fut mise en ventes en marge du Peeble Beach concourse de l'année suivante. Elle changea de nouveau une fois de main en 2013, acheté par le fondateur de la marque de cosmétique BBW (Bath & Beauty Works), le hasard faisant que ce fut un de mes clients lors de ma période d'expatriation aux US, visitant les immenses installation dans l'Ohio - Si cela tombe, je suis passé à côté d'un hangar secret où elle est jalousement gardée 🙂

A l'issue de cette très courte série, Pininfarina carrossa une autre voiture, hors classement, la ''fabuleuse'', ''merveilleuse'' 4.9 Superfast, deuxième du nom. Bien sûr j'y reviendrai en détail aussi.

De même, Scaglietti, en charge l'habillage des 410 Sport en charge de défendre les couleurs de la Scuderia sur les courses américaines, histoire d'asseoir le succès des ''America'' puis ''Super America'' carrossa une berlinette spéciale (#0594 CM) en marge des trois barquettes destinées à la compétition.

C'était un peu une reprise des berlinettes 375 MM. Elle était destinée au français Michel-Paul Cavallier, Directeur-Général de Pont-à-Mousson, petit-fils du fondateur et ami proche d'Enzo, au point que ce dernier lui confit la Direction de la SEFAC (Società Esercizio Fabbriche Automobili e Corse), nouvelle entité juridique sous forme de société anonyme, gérant l'ensemble des activités de production et de compétition, et ce jusqu'au changement statut à la toute fin des années 60 avec le rachat par FIAT. Initialement ivoire intérieur bleu, elle fut repeinte en rouge lorsqu'elle passa entre les mains de Pierre Bardinon. Elle resta ainsi et au Mas du Clos jusqu'en 2001. Année où elle fut racheté par le collectionneur néerlandais John Bosch, qui la restaura dans sa teinte pastel d'origine. Elle est maintenant entre les mains de Jon Hunt, sujet de sa majesté britannique.

 

3- Entre octobre 58 et novembre 59, une troisième série de 410 Super America est réalisée sous la forme de 12 coupés, uniquement carrossées et assemblées par les établissements Pinin Farina. Le partenariat exclusif est désormais acté. Toujours sur la base de l'empattement de 2,60 m., ces coupés reprennent en grande partie les traits et caractéristiques de la sublime 4.9. Superfast.

La ligne tout d'abord avec ce pavillon qui semble flotter au-dessus de la ligne tendue allant du carénage des phares avant jusqu'à l'arrête supérieure des phares verticaux arrière (d'autant plus pour les versions équipées d'une vitre de custode à l'arrière de la vitre de porte en lieu et place du panneau plein fendu de 3 aérations, ces larges grilles d'aérations délicatement chromées soulignant le grand espace entre la ligne avant de la porte et la courbe arrière du passage de roue avant, accentuant d'autant l'effet de puissance, le long capot subtilement surplombé par un discret mais bien visible tunnel de ventilation.

Ensuite le moteur bénéficiant des retours d'expérience acquise avec les Testarossa. Le bloc ''Lampredi'' est toujours de mise, mais les chambres de combustion bénéficient d'un nouveau dessin (vu également sur la 4.9. Superfast) grâce au déplacement des bougies à l'extérieur des pistons. Avec un taux de compression augmenté à 9:1, la puissance grimpe à 360 chevaux, puissance qui ne sera atteinte que quinze ans plus tard par le nouveau porte drapeau de Maranello, la 365 GT4/BB et son 12 à plat (certes avec 600 cm3 de moins, mais quand même).

Seuls le neuvième (#1423 SA) et les deux derniers châssis (#1477 & 1495 SA) perdent un peu de leur équilibre, la faute à des phares droit en lieu et place des phares carénés. J'ai entendu dire qu'il s'agissait d'une simple question de réglementation dans certains états des US, mais je n'en suis pas certain.

Là aussi, une majorité écrasante de voitures ont été vendues et/ou résident aux USA (11 sur 12), seule la deuxième (#1265 SA), hautement désirable avec son gris platine (étonnamment proche du Grigio Ingrid) intérieur cuir marron ''Colorado'' et vitre de custode arrière, a été vendue à un européen, en l'occurrence le germanique Helmut Horten, fondateur du premier supermarché en RFA et à l'origine de la quatrième plus grande chaîne de magasins en Allemagne (les origines de sa réussite restant contestables, ayant acquis en 1933 de par sa grande proximité avec le régime Nazi les magasins Strauss & Lauter appartenant aux familles éponymes, ayant fui l'Allemagne de par leurs origines juives. Il fut quand même interné pendant un an durant l'année 47 par l'armée britannique, mais, grâce à la largesse des anglais et américains, désireux de relancer l'économie allemande, il a pu retrouver son fonds de commerce qu'il fit prospérer).

La voiture appartient désormais à un certain Thierry Morin, français d'origine, expatrié à Londres où il a pu faire valoir ses talents dans la finance et obtenir (par là même ?) la nationalité britannique.

 

La suite :

Et alors me direz-vous, les Superfast dans tout cela.

Patience ... La suite dans le prochain numéro !

Désolé pour ce très long préliminaire, mais il paraît que plus c'est long ... hum, hum. Je m'arrête là ne voulant pas m'attirer les foudres des administrateurs 🙂

 

*En fait, plutôt que d'acheter la seule vraie GTO peinte directement par l'usine (#47469, premier châssis de 288 que l'usine a repeint en jaune avant de la vendre), celle-ci n'étant sans doute pas à vendre, ou à des tarifs démentiels, iDavid Lee acquit une deuxième GTO (#55227) qu'il fit repeindre en jaune.

 

 

375 America familly.PNG

410 SA Ghia.jpg

410 SA Boano.jpg

410 SA Boano Cab.jpg

Lincoln Futura.PNG

410 SA Wax.PNG

410 S.jpg

Ferrari-410-Superamerica-1265.jpg

342.jpg

212 PF.jpg

  • Like 2

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Suite ...

 

Mise au point :

Avec un peu de recul, sans excuser pour autant le journaliste jouant le malin en se moquant de l'appellation ''Superfast'' ou Super-rapide et du cruel manque d'imagination des têtes pensantes de Ferrari, un enfant de dix ans ayant certainement trouvé mieux, je peux comprendre la distorsion culturelle et linguistique.

En fait, notre chère langue, par tradition et notre histoire, est associé aux arts, littérature, théâtre, poésie en tête, de La Pléiade à Le Clézio, en passant par Racine, Hugo et tant d'autres, l'alexandrin et son rythme si bien scandé n'existant dans aucune autre langage. C'est aussi l'art du discours, celui de la méthode de Descartes ou de la déclaration universelle des droits de l'homme (et de la femme, je l'aurais dû placer en premier; pardon pour mon manque de galanterie mais aussi de par sa complexité, ses nuances, c'est aussi celle de l'art de la critique, du ridicule qui tue (contrairement à l'adage) et du doute via-à-vis des formules toutes faites. De fait, ce n'est pas la langue des affaires d'autant que notre atavisme pour la sacro-sainte égalité a tendance à nous rendre méfiant face aux chances de succès, surtout si elles concernent les autres.

Alors que pour nos ''amis'' anglophones, non pas qu'ils n'ont pas le sens de l'art, du verbe - loin de moi ce jugement n'étant ni bilingue, ni moins bi-culturel, mais pour avoir travaillé 3 ans aux US et managé des équipes sur place, j'ai bien perçu de l'intérieur leur appétence pour les formules choc, les ''punch-line'', leur absence de crainte pour le ridicule associée à une moindre appréhension de l'échec. De fait, l'anglais est bien le ''business language''. C'est là même la base du fameux ''soft power'' (encore une formule clé, intraduisible en français - CQFD).

De fait, oui ''Superfast'', cela peut nous sembler ridicule une fois traduit en français. Mais cela flatte l'oreille outre-atlantique. ''Straight to the point'' (pour le coup, on a l'équivalent en français : droit au but).

Luigi Chinetti, pour avoir vécu depuis plus de dix ans sur place, avait bien compris la chose.

Pour nous, français, à part dans la haute couture, les parfums, la gastronomie, associer un produit à un nom, un lieu national ne sonne pas juste à nos oreilles. Dans l'automobile, il y a bien eu la Simca Versailles ou Chambord, la CX Prestige (un certain sens du standing à la française) et bien sûr l'Espace. Mais ce dernier mis à part, c'est l'exception qui confirme la règle.

De même, porter les couleurs tricolore apparaît suspicieux. Même, si depuis quelque temps, on commence à apercevoir de très discrète signature, comme sur le pilier des A110, en filigrane en bas de l'affichage numérique de la dalle conducteur sur les dernières Peugeot.

Alors que c'est plutôt une fierté outre-atlantique ou de l'autre côté des Alpes. La bande vert banc rouge est visible sur nombre de Ferrari spéciales et de compétition, et d'ailleurs aussi bleu blanc rouge (la plus connue étant 250 GTO #3705 GT et plus dernièrement la F12 TdF N°171 en hommage à la 250 TdF, de mémoire la première à avoir porté les couleurs de la France).

Justement, le patronyme TdF (et le bleu associé en toute lettre ''Tour de France'') est bien un hommage à un événement national, sans parler du cultissime LM. Bon, pour le coup, c'est vrai, il y a bien une Alpine GTA V6 Le Mans (série limitée à 325 exemplaires). Un petit lien pour les Ferrarista Alpinistes (il y en a, j'ai vu les photos 🙂

Alpine GTA V6 "Le Mans" : que de la gueule ? - Les Alpinistes

Sans parler de notre chère 458 Italia ? A quand, une Ax10 France ? ...Pfff. Ridicule !

Sans parler de patriotisme, sujet sensible et totalement hors de propos ici, il faut reconnaître que nous avons toujours développé un ''petit'' complexe.

Cela étant dit, revenons à notre sujet : les ''Superfast'' (rien que de le dire, çà claque quand même).

 

#0483 SA : L'instigatrice :

La première à inaugurer ce patronyme est donc la fameuse 410 Superfast ou plus exactement ''410 Superfast Pinin Farina Spéciale''. C'est ainsi qu'elle fut présentée sous la coupole du Grand Palais à l'occasion du 43e Salon de Paris, début octobre de l'année 1956.

De par son numéro de châssis, elle est apparentée à la famille des Super America, et plus exactement à la série I (cf. post précédent).

A l'instar des ''dream cars'' américains particulièrement en vogue à cette époque, il s'agissait de montrer le meilleur du savoir-faire de Maranello.

Et après tout en face des ''Starfire'', ''Firebird'', ''X2000'', ''Skylark'', ''Strato Star'', ''Thunder Bolt'', ''Astra Gnome'' et autre ''Golden Rocket'' (les américains croyaient alors dur comme fer que les voitures allaient voler dans les années 2000 !), ''Superfast'' sonnait tout à fait juste. L'histoire ne dit pas qui de Chinetti, Sergio ou Battista Farina, l'idée est venue.

L'exercice de style était un clin d'oeil évident à la ''Jet-set'' américaine, la caractéristique évidente étant les ailerons arrière signés du nom même en lettre italique suivi du logo à double drapeaux croisés, représentant les initiales des noms Ferrari et Farina, la lettre F étant représenté par un losange rouge sur fond blanc selon l'alphabet maritime (ce logo', symbole du partenariat liant les deux maisons depuis 1952 a été utilisé jusqu'en 1961, année à partir de laquelle le surnom Pinin a pu être accolé à Farina par décret du gouvernement italien lui-même en reconnaissance et distinction de l'éminent carrossier, portant haut les couleurs de l'Italie à travers le monde. A partir de là, les Ferrari, comme toutes les autres véhicules signés par Pininfarina, porteront le seul logo rectangulaire, la lettre f apparaissant en tant que tel, scindant en deux le losange rouge de part et d'autre, surplombant le ''pininfarina'' en lettres cursives, renforçant ainsi l'unicité du mot en entier. Il est vrai aussi qu'il n'était plus utile de rappeler l'union des deux marques, la collaboration étant devenue exclusive pour les Ferrari de route depuis 1958.

Basé sur un châssis à l'empattement réduit de 20 cm / 410 SA série I et qui sera repris sur les série II & III, la caisse est ceinturée en ligne basse par un jonc chromé, l'effet de séparation étant renforcé par la peinture bi-ton : blanc pour la partie haute et bleu vert clair en partie basse. La calandre oblongue et les phares carénés, reprise des barquettes 290 MM et 860 Monza contemporaines, représente un nouveau trait de style qui influencera les prochaines productions pendant une bonne dizaine années à venir, les 275 GTB/4 produites jusqu'en 1968 reprenant toujours ce superbe dessin. Autre caractéristique, les larges sorties d'air échancrant les ailes avant soulignées par un habillage chromé, marquant ainsi l'espace entre la ligne arrière du passage de roue avant et celle de la porte, symbole de puissance, sera repris sur les plus prestigieuses Ferrari suivantes, 410 SA série II et III en tête, mais également 250 GT California, 400 Superamerica, 500 Superfast. Enfin, autre caractéristique notable : le pare-brise sans montant (bien visible sur la 1e photo prise lors du Salon de Paris). Reprenant le brevet ''Vutotal'' déposé en 1935 par le carrossier français Labourdette, ce dispositif, plutôt simple à mettre au point sur les voitures découvrables, l'était en revanche beaucoup moins pour les véhicules à toit fermé, obligeant à trouver une solution technique pour, en l'absence de montant A, supporter le poids de ce dernier sans avoir à compter sur autre chose que sur le pare brise lui-même. Solution relevant bien plus du génie de l'artisanat, difficilement reproductible d'un point de vue industriel. Chez Ferrari, il y avait déjà eu un précédent avec la controversée 212 Uovo (#024 MB)  carrossée par Fontana au tout début des années 50 pour le compte du comte Marzotto, l'un des tout premiers gentlemen-drivers client de Ferrari. A sa vue Enzo se serait écrié : ''C'est comme si quelqu'un avait violé ma fille sous mes propres yeux.''

Est-ce pour cela qu'après le salon, Pininfarina jugea préférable de l'équiper d'un pare-brise à montants traditionnels ? C'est plus vraisemblablement pour accroître la rigidité de la voiture dans le cadre d'une utilisation routière, de par les performances extraordinaires qu'elle permettait.

En effet au delà de l'exercice de style, la Superfast se démarque des Super America par ses avancées techniques, notamment du côté moteur qui, doté d'une rangée supplémentaire de bougies de l'autre côté de chaque banc de cylindres (soit 24 au total) et de carburateurs de diamètre 42 mm au lieu de 40 pour les Super America, passant ainsi d'une puissance de 340 à 360 chevaux. Ajouté au fait, qu'elle devait peser une cinquantaine de kilos en moins de par son châssis plus léger. Sans nul doute le meilleur ratio poids/puissance jamais vu pour une voiture de route.

Bref, la voiture fit tout de suite impression, c'est peu de le dire, même si avec le recul, la 4.9. Superfast qui suit réussira encore à sublimer sa ligne de rêve, Pininfarina remplaçant avantageusement les ailerons par des ailes fuyantes.

Dès la fin du salon, elle fut achetée (à la vue de simples photos) par William Doheney, petit fils du fondateur de la Union Oil Company of California, devenue depuis la Unocal Company (qui sera rachetée plus tard par la bien connue ChevronTexaco - dont les stations se trouvent quasiment à chaque coin de rue, clin d'oeil pour celles et ceux qui ont eu l'occasion de rouler outre-atlantique). Il venait de prendre les rennes de l'entreprise et nul doute qu'il a dû faire une offre conséquente auprès de Luigi Chinetti pour remporter la mise.

Il la revendit six ans plus tard à John Cooper, plus connu sous nom d'acteur Jackie. Dès l'âge de 9 ans, il avait été nominé aux Academy Awards of Best Actor et fut l'une des stars d'Hollywood d'avant guerre. De retour de la Navy où il servit ardemment à la cause du ''monde libre'', il s'orienta vers la réalisation. En 1964, au moment sans doute où il fit l'acquistion de la Suparfast, il fut nommé vice-président de la Columbia Pictures, en charge du développement des programmes. Jackie devait certainement être un bon ami de William Doheney, de par sa proximité géographique mais surtout sociale.

De par le pedigree exceptionnelle de la voiture, unanimement reconnue (alors que nous étions encore très loin de la Ferrarimania qui a vraiment débuté après la disparition de l'immense Enzo simultanément avec la sortie de sa dernière oeuvre), Jackie fut naturellement invité à rejoindre le FCA (Ferrari Club of America) fondé aux débuts des années 60.

C'est là qu'il fit connaissance de John Delameter, l'un des fondateurs du FCA. Dès l'acquisition de sa première Ferrari, un coupé Vignale 166 MM (#0062 MM) pour une somme relativement modique (les anciennes Ferrari étaient alors considérées comme des véhicules d'occasion, même s'il s'agissait d'exotic cars), John est enthousiaste à l'idée de partager sa nouvelle passion et rejoint l'initiative lancée par un certain Jack Katzen qui, par l'entremise du célèbre magazine Road & Track, avait lancé l'idée de créer une communauté d'enthousiastes américains de la marque italienne. Initiative très vite concrétisée par 3 amis John Lundin, Gerry Sutterfield and Ken Hutchison ayant acquis ensemble une ''vieille'' barchetta dans un état délabré et qui se proposent de la restaurer ensemble à l'aide d'autres fans. John Delameter rejoint l'aventure avec sa toute nouvelle acquisition. Deux ans plus tard, le réseau aidant, il s'achète une seconde ''ancienne'' gloire, en l'occurrence un spyder Vignale 250 MM (#0348 MM) importé initialement par un des mécaniciens de Briggs Cunningham et qui après avoir participé à près d'une quarantaine de courses à travers tous les états, demande un repos bien mérité (et surtout pas mal de soins. A l'époque, le palmarès comptait moins que le degré d'usure). Et hop, encore une bonne affaire. L'appétit venant, il achète quatre ans plus tard une 250 GT LWB ''TdF'' (#1161 GT, la 26e de la série monovolet ou ''one louvre''), et ce pour la modique somme de $4000, soit l'équivalent de 35000 €, à peine le prix de la dernière R5 dans sa version haut de gamme !!!).

Toujours est-il qu'à peu près à la même période, il convint Jackie Cooper de lui revendre également la Superfast. Pour quel prix, mystère ? Mais sans doute bien moins que la somme à laquelle Cooper l'a achetée.

Ensuite, on retrouve la voiture aux mains de Richard Merrit, un autre membre historique du FCA et tout comme Delameter, un dénicheur des bonnes affaires avant l'heure. Il n'y a pas de trace de transaction entre les deux hommes. Certains blogs (américains) mentionnent même que Delameter aurait offert la voiture à Merrit. Je pencherai plutôt pour un échange de bons services, Merrit s'étant également noué d'amitié avec un un certain Jess Georges Pourret.

Ce dernier avait rejoint fin des années 50 la Franco-Britanic, société fondée par Sir Walter Seator, importateur historique sur le territoire française de Rolls-Royce, Bentley & Rover. La famille Seator avait donc pignon sur rue dans le petit monde fermé des voitures de luxe et c'est assez naturellement qu'elle persuada Enzo et Carlo Benzi, son ministre des finances, d'avoir la charge de la distribution des voitures Ferrari sur le territoire français. Restait donc à trouver l'homme de la situation. Ce fut Jess G. Pourret qui, pendant les dix années du partenariat Ferrari - Franco Britanic, eut l'occasion de développer les ventes autant que son réseau, ami des stars clientes : Delon, Belmondo, Françoise Sagan, Halliday, Uderzo ..etc. Il faut aussi le propriétaire de la 250 GTO #3607 GT entre 1968 et 1987 (qu'il racheta à un certain Pierre Bardinon et au volant de laquelle il parcourut plus de 100000 km - pour dire un peu l'expérience du bonhomme - on le voit ci-dessous à ses côtés. Cela explique notamment pourquoi il est considéré comme l'historien de cette icône et plus largement des 250 GT Compétizione. Et c'est très généreusement qu'il partagea son immense savoir à travers de nombreux ouvrages qui font référence sur le sujet. Il amassa par ailleurs une telle documentation que dès 2006, année de création de Ferrari Classiche, la direction de ce nouveau département s'est directement rapprochée de Pourret pour avoir accès à ses archives et ainsi considérablement enrichir leur base documentaire). Pourret fut également le fondateur de Club Ferrari France. Et c'est à ce titre qu'il fit connaissance de Merrit, Pourret étant d'ailleurs bilingue.

Et c'est très vraisemblablement par son intermédiaire que Merrit put avoir accès à la 250 GT Intérim #1521 GT de Pierre Dumay qui, comme par hasard, tomba entre les mains de John Delameter peu de temps après qu'il ait cédé la Superfast à Merrit.

Ce dernier la revendit au concessionnaire Ferrari de San Diego en 1977 qui lui même la vendit dans la foulée à un riche entrepreneur immobilier, David Rose. Qui ne la conserva qu'un an.

Avant de la revendre dans l'Illinois à Don Dethlefsen, professionnel reconnu dans la restauration de voitures européennes (fondateur notamment de Werk Shop, devenu le plus grand spécialiste BMW au monde).

Assez logiquement, après quelques menus travaux, Don la revendit à un client, en l'occurrence Peter Fino, propriétaire de plusieurs salons de coiffure à Chicago et ses environs (on reste dans l'Illinois) et passionné par ailleurs de belles européennes. Pour le coup, il a eu bon goût.

Mais peut-être avait-il eu les yeux plus gros que le ventre ? Toujours est-il qu'il la vendit six mois plus tard pour 43000 livres au citoyen de sa majesté, Peter Hag, soit l'équivalent de 230 k€ actuels (Ca commence à devenir un peu plus sérieux !).

Peter Hag avait revendu dans les années 50 le business familial (commerce de vins & spiritueux) pour relancer la marque automobile Trojan (inconnu au bataillon ? C'était pourtant une marque créee il y a 110 ans dont la vocation était de fabriquer et commercialiser une petite voiture économique et simple d'entretien.) Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus, ci-joint le lien (mais nous sommes loin des Ferrari - quoiqu'en seconde partie de l'article, il est question d'un concurrent bien plus consistent).

Trojan, Elva, McLaren, des marques intimement liées ! - Absolutely Cars

Au début des années 70, Peter s'était lancé dans le grand bain des grand prix en fondant son écurie (Quel rapport avec des voiturettes, me direz-vous ? La passion tout simplement. Là même qu'un certain Guy Ligier, un peu contemporain, dont le fond de commerce était la fabrication et la vente de voitures sans permis - qui existe toujours d'ailleurs. Contrairement aux F1, mais c'était un autre temps, celui des artisans, des ''garagistes'' comme les appelait ''gentiment'' Enzo).

En 1974, il rentra dans la cour des grands en formule 1. Mais l'aventure tourna court, puisque la fin de la saison fut également celle de l'écurie.

Trojan-Tauranac Racing — Wikipédia

Ce qui n'empêcha pas Peter de rebondir en tant que patron de l'écurie Suzuki (moto bien sûr) où il permit à un certain Barry Sheene de remporter un double championnat du monde en 76 & 77. Tout en continuant de vendre ses mini-voitures. Tout comme Ligier, les produits Trojan existent toujours mais désormais sous la forme de tricycle électrique (pour le coup à des années lumières de Ferrari).

4 ans plus tard, nous sommes en 1984, la Superfast retourne sur ses terres de destination, Peter Hag la vendant à Pater G. Sachs, ancien pilote automobile dans ses jeunes années avant de faire fortune en tant que banquer d'affaires chez Goldman Sachs (l'histoire ne dit pas s'il avait des liens familiaux avec la famille fondatrice ou si c'était juste une homonymie bienheureuse). Il continua à courir sur de nombreuses courses historiques.

Grand amateur de Ferrari, il a acquis également une autre voiture historique, la fameuse 250 GT Sperimentale (#2429 GT) qu'il possède toujours.

En 1991, Sachs se sépare de la Superfast (sans doute pour financer d'autres acquisitions) à Greg Garrison, plus passionné encore et tout aussi fortuné, assurément l'un des plus grands collectionneurs de Ferrari spéciales, et tout spécialement des Super America, Superfast et d'autres recarrossées sur mesure comme 275 GTB/4 style Competizione (#09813), 412 cabriolet (transformée par l'usine ou quasiment puisque par Scaglietti).

Greg Garrisson, de son vrai nom Marvin Garvin, est l'exemple parfait de l'american dream. Débutant en que simple copiste pour une radio à Chicago juste avant guerre, et après avoir servi sous les drapeaux comme il se doit, il s'oriente un peu par accident dans le monde naissant de la télévision fin des années 40. A la base en tant qu'assistant, il grimpe cependant rapidement les échelons, remarqué par son talent pour la réalisation. Il se fait remarquer notamment par les stars planétaires de l'époque, tels Fred Astaire, Gene Kelly. Et c'est au milieu des années 60, en animant et produisant le ''Dean Martin Show'' (émission culte aux US) qu'il connait la gloire, et qui en fait le producteur le plus ''bankable'' des Etats-Unis (autant dire de la planète à l'époque).

De par ses origines modestes, Garrisson était d'autant plus fasciné par l'esthétisme, la puissance et le luxe des Ferrari ''spéciales''. La Superfast ne pouvait que lui être destinée un jour.

Il la conserva jusqu'à sa mort, l'ayant mainte fois exposée sur les plus prestigieux concours dont elle devint l'une des plus grandes stars.

Et qui d'autre pour succéder à un véritable mécène de l'art Ferrari qu'un autre plus grand mécène ?

Robert Morton Lee, amoureux de la première heure des chefs d'oeuvre de Maranello, était celui-là. C'est peu de le dire.

En possession de :

la plus ancienne des Ferrari de route (n'ayant pas pris part à des compétitions), le châssis #002M, la toute première Ferrari à être présentée au public à l'occasion du salon de Turin de 1948

- la 166 MM barchetta Touring #008 M, la plus glorieuse des barchetta, la #008 M, victorieuse des Mille Miglia et des 24 heures du Mans, légende parmi les légendes, pièce d'anthologie que Ferrari n'aie pas eu le réflexe de conserver*.

Mais aussi de trésors comme :

le premier cabriolet Ferrari (Ferrari 166 inter Farina #011S, première Ferrari de Rosselini)

- la toute première Ferrari Pinin Farina (la 212 inter #0177 E déjà évoquée dans le post précédent)

- la seule 250 GT cabriolet Boano (#061 GT)

- la fantasque 410 SA Ghia de Robert Wilke (#0473SA) largement abordée dans le post précédent ainsi que les deux 410 SA Boano coupé et cabriolet ( #0477 SA & #0485 SA) également largement décrites

- la 1ère 250 GT cabriolet que s'était offert Peter Collins dans le fameux vert anglais avec sa porte conducteur échancré, histoire de pouvoir sauter directement au volant (#0655 GT)

- l'unique 400 SA cabriolet série I Scaglietti reprenant la carrosserie d'une 250 GT California (#2311 SA)

- la sixième des quatorze 365 California (#9801), voiture objet de mon avant-dernier sujet

- l'un des 4 cabriolets 400 SA série II (#4423 SA), l'une des 5 spyders 365 GTB/4 Michelotti (#15003)

Sans compter :

- une 365 GTS

- une 365 GTS/4 (Daytona Cabriolet)

- une 288 GTO

- une F40

- une 550 barchetta

- une Enzo.

 

Aventurier dans l'âme, Robert Lee a tout d'abord organisé des safaris en Afrique, suite à un long séjour sur place, l'ayant définitivement marqué. De cette première entreprise, il a pu remarquer à quel point l'équipement des touristes (tentes & bagages) était inadapté. De retour à New York au milieu des années 60, il a eu l'idée de créer sous la marque ''Hunting World'' une ligne de bagagerie, vêtements et ustensiles à la fois fonctionnels et élégants à l'usage des touristes ayant comme lui le goût de l'aventure. Et ce fut un succès immédiat.

Au point d'une vingtaine d'années plus tard de permettre à Robert Lee d'assouvir sa passion dévorante pour les automobiles d'exception. Outre les Ferrari listées, ils possédaient une dizaine de Rolls, la plupart ''one off', autant de Bentley, presque autant de prestigieuses françaises d'entre deux guerre (Bugatti, Hispano-Suiza, Delahaye), une poignée d'italiennes et allemandes de la même époque (Alfa 8C, Mercedes 540 K, Horch 853) ainsi que quelques américaines uniques - tout de même (Duesenberg, Cadillac V16, Cunningham).

Toutes ses voitures ayant été transférées au Musée Petersen suite au décès de ''Bob'' Lee en 2016, ou presque puisque sa fille, Anne Brockinton Lee a conservé la 410 Superfast Pinin Farina Speciale, ce qui en dit long sur la valeur tant financière que sentimentale de ce pièce unique du patrimoine automobile.

 

La suite au prochain numéro. 

 

* Il est vrai qu'Enzo était tout sauf un collectionneur; son fameux adage selon laquelle ''la meilleure Ferrari est la prochaine'' est tout à fait révélateur de son indifférence pour la conservation. Tourné vers demain, il se souciait guère d'hier. A la lecture de l'excellente et exhaustive biographie de Luca del Monte, revenant sur les instants poignants où le jeune Enzo, ayant perdu son père et son grand frère, Dino, en moins de six mois (on comprend d'autant plus son attachement à ce prénom), ayant lui-même réchappé à une grippe meurtrière, s'effondra en pleur sur un banc dans un parc jouxtant le N°35 du Corso Dante à Turin, siège de la FIAT dont il venait d'essuyer le refus d'embauche. Après un moment d'effondrement, il se jura de s'en sortir. Cet instant crucial forgea sans nul doute sa foi en l'avenir. Il eut tellement raison. De même, suite au décès de son être le plus cher, son fils Dino, en hommage à son frère aïné, il ne ''survécut'' que grâce à son engagement pour la prochaine victoire de sa Scuderia, sans toutefois se rendre chaque matin sur la tombe de son fils, le seul lien avec la passé qu'il se permit.

A l'opposé, son alter-ego, du moins dans la légende des voitures de sport, un certain Ferry, bien plus préservé par la vie, avait hérité de son génie de père à la fois la foi (pardon pour la répétition phonique, c'est la deuxième fois) pour le progrès technique (d'autant qu'il en était expert) et le respect pour l'expérience passée. De fait, Porsche a eu assez tôt souci de son patrimoine.

Différence de philosophie encore visible maintenant, malgré la prise de conscience sous l'ère Montezemolo. Pour celles et ceux qui ont eu la chance de visiter les musées Porsche et Ferrari me comprennent.

410 Superfast - 1.jpg

410 Superfast - 2.jpg

Logo PF.jpg

Superfast-détail.PNG

Pininfarina_logo.jpg

pourret85..jpg

  • Like 2

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Suite

 

4.9. Superfast : Château Ferrari 1957

C'est ainsi que le professeur, que dis-je le maître es Ferrari, Antoine Prunet, surnomma ce chef d'oeuvre, dont j'ai eu l'immodestie de choisir comme pseudo (mais bon quand on rentre dans le monde Ferrari, autant viser haut).

Et ce, dans son excellentissime ouvrage ''Fantastiques Ferrari'', un ravissement tant pour les yeux (grâce aux superbes photos de Peter Vann) que pour l'esprit. Livre qu'on peut encore assez facilement trouver pour une somme relativement modique (attention à l'état toutefois).

Je ne peux résister au plaisir d'en citer les plus savoureux extraits :

 

''Nous l'aurions volontiers appelée ''Château Ferrari 1957''', mail il se trouve que cette Ferrari unique fut baptisée d'une assez jolie façon : 4.9. Superfast. Pour expliquer cet américanisme, il convient d'opérer un retour d'un an en arrière. L'appelation Superfast - Super Rapide la traduite en français mais avec moins de résonance* - naquit en effet au Salon de Paris 1956 lorsque le même Pinin Farina présenta un exercice de style unique et prémonitoire, véritable et rarissime voiture de rêve à l'italienne (...)**

Pour la Superfast 4.9. du Salon de Turin 1957***, Pinin Farina sélectionna les meilleurs trouvailles de son premier ''dream car'' et gomma quelques détails par trop irréalistes. Ainsi les dérives contondantes s'étaient effacées au bénéfice d'ailes qui fuyaient sans obstacle de l'avant à l'arrière et se terminaient par deux feux rouges carénés comme les phares. Le pavillon reprenait le même dessin, avec trois ouïes au lieu de deux sur caque panneau de custode, mais l'intégration du pare-brise et de ses montants étaient magistralement réussie. Le jonc chromé qui ceinturait la caisse avait disparu, mais un pli discret maintenait le même effet. Enfin pour protéger la belle poupe des chocs, une lame très fine remplaçait les butoirs.

Le 4.9. Superfast apparaissait ainsi plus longue et plus lancé que sa devancière, alors qu'elle était plus courte de 12 cm et plus haute de 5 cm.''

 

Tout est merveilleusement et délicieusement dit. Rien à rajouter.

Un mois après le salon de Turin, la voiture traversa l'Atlantique pour rejoindre sa destinée. Elle fut acquise par le bien nommé Jan de Vroom, pilote expérimenté dans ses jeunes années (notamment au volant des premières Ferrari de compétition importées sur le continent et accessoirement banquier d'affaires, lui permettant de financer sa passion.

Il fut ainsi un très proche de Luigi Chinetti au point de fonder avec lui la cultissime North American Racing Team (N.A.R.T.). Au delà de sa lucrative activité, il avait en charge l'importation des Ferrari de route en provenance de l'usine.

Aussi, lui était-il assez aisé de se réserver certaines des plus belles pièces. Outre cette oeuvre d'anthologie, il posséda d'autres joyaux tels qu'une 250 GT SWB California dans une originale livrée vert sapin**** (#3195 GT, repeinte plus ''banalement'' en rouge depuis), une très désirable 275 GTS bleu azur intérieur beige (#07885), l'une des deux 365 P Tre Posti***** (#8815, la version blanche initiale ), une 275 GTB/4 alu dans une superbe teinte ivoire (#10311) ainsi qu'une autre 275 GTB/4 cette fois acier - sans doute son ''daily'' - dans un jaune plus vif (#10827).

Il conserva également ses voitures de course telles que la 290 MM #0628 au volant de laquelle il courut en Suède sans succès toutefois, la 500 TRC #0664 MDR avec laquelle il finit second de sa classe au 12 h de Sebring 57 et gagna sur cette même piste la course de 3 heures organisée peu de temps après, la célèbre 250 GT SWB California alu blanche******* (#2015 GT) qu'il fit courir au Mans en 60 sans succès puis à Sebring en début d'année suivante avec une deuxième place dans sa catégorie.

Très ouvert quant au fait de partager sa bonne fortune (peut-être trop, vous comprendrez en lisant la suite), il prêta généreusement la 4.9. Superfast au magazine Sports Cars Illustrated pour un essai complet. Le chanceux journaliste-essayeur mesura alors un temps record de 13''9 pour abattre le quart de mile (soit 402 m et 33 cm) au départ arrêté, soit peu ou prou un temps similaire enregistré par ce même magazine avec une Coutach LP 5OO S plus de 25 ans après ou une Audi RS2 plus de 35 ans après ou encore une M3 E36 quarante ans après. Excusez du peu !

Jan de Vroom connut malheureusement une fin tragique en 1975, retrouvé mort dans une salle fermée de l'intérieur ! Les éléments de l'enquête n'en disent pas plus mais de Vroom avait, semble-t-il lié connaissance peu de temps auparavant avec des personnages aux moeurs assez bizzare, et le fait, comme évoqué, qu'il faisait assez facilement étalage de sa réussite a sans doute attiré à lui des gens aux intentions peu recommandables.

Deux ans auparavant, il avait remise en vente la 4.9. Superfast via son réseau. Elle fut acquise par un certain Michael Del Lee, sis en Nouvelle Orléans et qui lui fit l'outrage d'y apposer en travers du capot des ailes avant quatre bandes blanches sur une largeur d'environ 10 cm (aucune photo pour en témoigner, tant mieux). Quelle hérésie ! Peut-être qu'il s'agissait d'un des drôles de personnage avec qui de Vroom sympathisa. Le fait est qu'il ne la conserva que quelques mois (ce qui ajoute à la bizarrerie de l'affaire) la revendant auprès de deux membres illustres du Ferrari Club of America, John Delameter (longuement abordé dans la partie précédente) & Allen Powell, ces deux derniers à l'affût des bonnes affaires ayant dû l'acheter pour un vil prix, notamment après le massacre pérpetré. Ils remirent évidemment la voiture dans sa configuration d'origine, avant eux-mêmes de la revendre juste après la restauration à un certain Norman Silver, non sans avoir réalisé sans nul doute une plus valu conséquente.

Ce dernier était loin d'être un inconnu dans le monde fermé et encore confidentiel des collectionneurs américains de Ferrari exclusives.

Une vingtaine de rarissimes Ferrari passèrent entre ses mains. Je ne vais pas toutes les citer toutes, se concentrant sur les plus illustres :

250 MM (#0312MM) dans une unique livrée blanche intérieur bleu

- 400 SA cabriolet série I #3309 SA

- 33O LM berlinetta # 4453 SA

- 250 LM #5903

- 500 Superfast (#6307 SF) dans une spectaculaire robe immaculée traversée en son milieu par une large bande bleu surligné de deux plus fines bandes, hommage à la livrée historique des voitures de course américaines

- 275 GTB spyder Nart (# 9347) dans un magnifique rosso rubino

- 330 GTC Speciale #9653 (one-off qu'on a longtemps attribué à tort à la princesse Lilian de Réthy)

- 365 GTS/4 #14653, l'une des 121 ''Daytona'' cabriolet (à laquelle la Dodici Cilindri spyder rend magnifiquement hommage et qui se vendra, soyons en certain à bien plus d'exemplaires).

Silver en fit essentiellement l'acquisition au cours des années 70 via le FCA, à une époque où toutes ces raretés étaient loin d'avoir atteint les cotes astronomiques d'aujourd'hui.

Pour preuve, en 1973, Silver revendit lui-même (en fait, pour des raisons financières et/ou de place, il achetait en même temps qu'il revendait) la 250 LM et la 400 SA cabriolet série I pour la somme de $20000 soit moins de 150 k€ actuels ! Alors qu'à elle deux, aujourd'hui, ces voitures dépasseraient aisément les 30 millions d'euros, voire plus - La dernière 250 LM proposée l'année dernière par Artcurial n'ayant pas été vendue par son propriétaire alors que les enchères ont atteint 25 millions - Soit un facteur de plus de 200 (ou 20000%). Où l'on voit bien que les anciennes (et rares) Ferrari sont passées d'un statut de véhicules d'occasion exotiques à celui d'oeuvre d'art quasi unique.

Peu avant qu'il ne décède, sentant sa fin proche et sans doute soucieux de faciliter son héritage, ses ayant droits ne partageant sans doute pas sa même passion, il vendit une grande partie de sa collection. Dont la 4.9.Superfast, et ce à Lee Harrington, rejoignant le club fermé des collectionneurs et perpétuant ainsi une heureuse tradition américaine de conservation du patrimoine Ferrari.

Mieux que des mots, je vous laisse parcourir par l'image sa collection actuelle (9 voitures absolument dingues dont une très surprenante 250 GT SWB California dans un nocciola (noisette) métalisé. Il s'agit de la #3099 GT, la 32e sur les 56 SWB qui, à l'origine, était bleu azur intérieur beige, la même configuration que la mienne (mais au 1/18e de chez CMC quand même, ce modèle ayant atteint une petite cote assez enviable, plus du triple que le prix auquel je l'avais acheté à sa sortie. Certes, on est loin des x200 des modèles à l'échelle 1, mais bon, c'est toujours bon à prendre. Enfin, je ne suis pas vendeur :).

ECR - Collection - Lee Herrington Collection - About

 

La suite au prochain numéro où l'on abordera la série des ''prototypes'' Superfast II, III & IV et leur fameuse ligne ''Aerodinamico''.

 

*NDLR : Comme quoi les grands esprits se rencontrent, Antoine Prunet usant ici d'un doux euphémisme.

**Je passe ici, ayant très (trop) longuement passé en revue cette voiture.

***En réalité, elle fut présentée auparavant en avant première au salon de Paris, démontrant à quel point ce salon comptait pour nos deux illustres protagonistes. A ce propos, lje vous recommande le très bon livre de Dominique Pascal ''Ferrari au salon de Paris'' .

****Il laissa cette California pendant plus de 4 ans dans la propriété de la Marquiise de Cuevas sur Cannes avant de la rapatrier sur New York. Il était très proche de la marquise et de sa fille. C'est fort probablement lui qui suscita l'envie à cette dernière de passer commande de sa propre Ferrari, ce qui fur à l'origine de la création de la 365 California, voiture longuement traitée dans mon sujet précédent. Sans la #3195 GT, ce sublime cabriolet n'aurait peut-être pas existé !

*****Voir à ce titre mon premier post traitant de ces deux voitures ayant inspiré Ferdinand Piëch pour une possible descendance de la 911. Et qui a peut-être inspiré le génial Gordon Murray dont il a repris l'idée des 3 places avec le poste de pilotage en son milieu pour sa mythique Mac-Laren F1.

******Ce fut l'unique California SWB à courir sur des épreuves officielles. En compétition, il y eut une autre California, mais LWB à phares non carénés (#1451 GT). Cette dernière s'est bâtie un palmarès bien plus enviable avec une 5e place absolue au Mans l'année précédente, cinq victoires absolues et plusieurs podiums dans des courses organisées par le Sport Car Club of America au cours de la même année.

1738399860421.jpg

IMG_20181105_150012.jpg

Vauchelles-les-Quesnoy-20121128-00686.jpg

Vauchelles-les-Quesnoy-20121128-00689.jpg

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Suite

 

4.9. Superfast : Château Ferrari 1957

C'est ainsi que le professeur, que dis-je le maître es Ferrari, Antoine Prunet, surnomma ce chef d'oeuvre, dont j'ai eu l'immodestie de choisir comme pseudo (mais bon quand on rentre dans le monde Ferrari, autant viser haut).

Et ce, dans son excellentissime ouvrage ''Fantastiques Ferrari'', un ravissement tant pour les yeux (grâce aux superbes photos de Peter Vann) que pour l'esprit. Livre qu'on peut encore assez facilement trouver pour une somme relativement modique (attention à l'état toutefois).

Je ne peux résister au plaisir d'en citer les plus savoureux extraits :

 

''Nous l'aurions volontiers appelée ''Château Ferrari 1957''', mail il se trouve que cette Ferrari unique fut baptisée d'une assez jolie façon : 4.9. Superfast. Pour expliquer cet américanisme, il convient d'opérer un retour d'un an en arrière. L'appelation Superfast - Super Rapide la traduite en français mais avec moins de résonance* - naquit en effet au Salon de Paris 1956 lorsque le même Pinin Farina présenta un exercice de style unique et prémonitoire, véritable et rarissime voiture de rêve à l'italienne (...)**

Pour la Superfast 4.9. du Salon de Turin 1957***, Pinin Farina sélectionna les meilleurs trouvailles de son premier ''dream car'' et gomma quelques détails par trop irréalistes. Ainsi les dérives contondantes s'étaient effacées au bénéfice d'ailes qui fuyaient sans obstacle de l'avant à l'arrière et se terminaient par deux feux rouges carénés comme les phares. Le pavillon reprenait le même dessin, avec trois ouïes au lieu de deux sur caque panneau de custode, mais l'intégration du pare-brise et de ses montants étaient magistralement réussie. Le jonc chromé qui ceinturait la caisse avait disparu, mais un pli discret maintenait le même effet. Enfin pour protéger la belle poupe des chocs, une lame très fine remplaçait les butoirs.

Le 4.9. Superfast apparaissait ainsi plus longue et plus lancé que sa devancière, alors qu'elle était plus courte de 12 cm et plus haute de 5 cm.''

 

Tout est merveilleusement et délicieusement dit. Rien à rajouter.

Un mois après le salon de Turin, la voiture traversa l'Atlantique pour rejoindre sa destinée. Elle fut acquise par le bien nommé Jan de Vroom, pilote expérimenté dans ses jeunes années (notamment au volant des premières Ferrari de compétition importées sur le continent et accessoirement banquier d'affaires, lui permettant de financer sa passion.

Il fut ainsi un très proche de Luigi Chinetti au point de fonder avec lui la cultissime North American Racing Team (N.A.R.T.). Au delà de sa lucrative activité, il avait en charge l'importation des Ferrari de route en provenance de l'usine.

Aussi, lui était-il assez aisé de se réserver certaines des plus belles pièces. Outre cette oeuvre d'anthologie, il posséda d'autres joyaux tels qu'une 250 GT SWB California dans une originale livrée vert sapin**** (#3195 GT, repeinte plus ''banalement'' en rouge depuis), une très désirable 275 GTS bleu azur intérieur beige (#07885), l'une des deux 365 P Tre Posti***** (#8815, la version blanche initiale ), une 275 GTB/4 alu dans une superbe teinte ivoire (#10311) ainsi qu'une autre 275 GTB/4 cette fois acier - sans doute son ''daily'' - dans un jaune plus vif (#10827).

Il conserva également ses voitures de course telles que la 290 MM #0628 au volant de laquelle il courut en Suède sans succès toutefois, la 500 TRC #0664 MDR avec laquelle il finit second de sa classe au 12 h de Sebring 57 et gagna sur cette même piste la course de 3 heures organisée peu de temps après, la célèbre 250 GT SWB California alu blanche******* (#2015 GT) qu'il fit courir au Mans en 60 sans succès puis à Sebring en début d'année suivante avec une deuxième place dans sa catégorie.

Très ouvert quant au fait de partager sa bonne fortune (peut-être trop, vous comprendrez en lisant la suite), il prêta généreusement la 4.9. Superfast au magazine Sports Cars Illustrated pour un essai complet. Le chanceux journaliste-essayeur mesura alors un temps record de 13''9 pour abattre le quart de mile (soit 402 m et 33 cm) au départ arrêté, soit peu ou prou un temps similaire enregistré par ce même magazine avec une Coutach LP 5OO S plus de 25 ans après ou une Audi RS2 plus de 35 ans après ou encore une M3 E36 quarante ans après. Excusez du peu !

Jan de Vroom connut malheureusement une fin tragique en 1975, retrouvé mort dans une salle fermée de l'intérieur ! Les éléments de l'enquête n'en disent pas plus mais de Vroom avait, semble-t-il lié connaissance peu de temps auparavant avec des personnages aux moeurs assez bizzare, et le fait, comme évoqué, qu'il faisait assez facilement étalage de sa réussite a sans doute attiré à lui des gens aux intentions peu recommandables.

Deux ans auparavant, il avait remise en vente la 4.9. Superfast via son réseau. Elle fut acquise par un certain Michael Del Lee, sis en Nouvelle Orléans et qui lui fit l'outrage d'y apposer en travers du capot des ailes avant quatre bandes blanches sur une largeur d'environ 10 cm (aucune photo pour en témoigner, tant mieux). Quelle hérésie ! Peut-être qu'il s'agissait d'un des drôles de personnage avec qui de Vroom sympathisa. Le fait est qu'il ne la conserva que quelques mois (ce qui ajoute à la bizarrerie de l'affaire) la revendant auprès de deux membres illustres du Ferrari Club of America, John Delameter (longuement abordé dans la partie précédente) & Allen Powell, ces deux derniers à l'affût des bonnes affaires ayant dû l'acheter pour un vil prix, notamment après le massacre pérpetré. Ils remirent évidemment la voiture dans sa configuration d'origine, avant eux-mêmes de la revendre juste après la restauration à un certain Norman Silver, non sans avoir réalisé sans nul doute une plus valu conséquente.

Ce dernier était loin d'être un inconnu dans le monde fermé et encore confidentiel des collectionneurs américains de Ferrari exclusives.

Une vingtaine de rarissimes Ferrari passèrent entre ses mains. Je ne vais pas toutes les citer toutes, se concentrant sur les plus illustres :

250 MM (#0312MM) dans une unique livrée blanche intérieur bleu

- 400 SA cabriolet série I #3309 SA

- 33O LM berlinetta # 4453 SA

- 250 LM #5903

- 500 Superfast (#6307 SF) dans une spectaculaire robe immaculée traversée en son milieu par une large bande bleu surligné de deux plus fines bandes, hommage à la livrée historique des voitures de course américaines

- 275 GTB spyder Nart (# 9347) dans un magnifique rosso rubino

- 330 GTC Speciale #9653 (one-off qu'on a longtemps attribué à tort à la princesse Lilian de Réthy)

- 365 GTS/4 #14653, l'une des 121 ''Daytona'' cabriolet (à laquelle la Dodici Cilindri spyder rend magnifiquement hommage et qui se vendra, soyons en certain à bien plus d'exemplaires).

Silver en fit essentiellement l'acquisition au cours des années 70 via le FCA, à une époque où toutes ces raretés étaient loin d'avoir atteint les cotes astronomiques d'aujourd'hui.

Pour preuve, en 1973, Silver revendit lui-même (en fait, pour des raisons financières et/ou de place, il achetait en même temps qu'il revendait) la 250 LM et la 400 SA cabriolet série I pour la somme de $20000 soit moins de 150 k€ actuels ! Alors qu'à elle deux, aujourd'hui, ces voitures dépasseraient aisément les 30 millions d'euros, voire plus - La dernière 250 LM proposée l'année dernière par Artcurial n'ayant pas été vendue par son propriétaire alors que les enchères ont atteint 25 millions - Soit un facteur de plus de 200 (ou 20000%). Où l'on voit bien que les anciennes (et rares) Ferrari sont passées d'un statut de véhicules d'occasion exotiques à celui d'oeuvre d'art quasi unique.

Peu avant qu'il ne décède, sentant sa fin proche et sans doute soucieux de faciliter son héritage, ses ayant droits ne partageant sans doute pas sa même passion, il vendit une grande partie de sa collection. Dont la 4.9.Superfast, et ce à Lee Harrington, rejoignant le club fermé des collectionneurs et perpétuant ainsi une heureuse tradition américaine de conservation du patrimoine Ferrari.

Mieux que des mots, je vous laisse parcourir par l'image sa collection actuelle (9 voitures absolument dingues dont une très surprenante 250 GT SWB California dans un nocciola (noisette) métalisé. Il s'agit de la #3099 GT, la 32e sur les 56 SWB qui, à l'origine, était bleu azur intérieur beige, la même configuration que la mienne (mais au 1/18e de chez CMC quand même, ce modèle ayant atteint une petite cote assez enviable, plus du triple que le prix auquel je l'avais acheté à sa sortie. Certes, on est loin des x200 des modèles à l'échelle 1, mais bon, c'est toujours bon à prendre. Enfin, je ne suis pas vendeur :).

ECR - Collection - Lee Herrington Collection - About

 

La suite au prochain numéro où l'on abordera la série des ''prototypes'' Superfast II, III & IV et leur fameuse ligne ''Aerodinamico''.

 

*NDLR : Comme quoi les grands esprits se rencontrent, Antoine Prunet usant ici d'un doux euphémisme.

**Je passe ici, ayant très (trop) longuement passé en revue cette voiture.

***En réalité, elle fut présentée auparavant en avant première au salon de Paris, démontrant à quel point ce salon comptait pour nos deux illustres protagonistes. A ce propos, lje vous recommande le très bon livre de Dominique Pascal ''Ferrari au salon de Paris'' .

****Il laissa cette California pendant plus de 4 ans dans la propriété de la Marquiise de Cuevas sur Cannes avant de la rapatrier sur New York. Il était très proche de la marquise et de sa fille. C'est fort probablement lui qui suscita l'envie à cette dernière de passer commande de sa propre Ferrari, ce qui fur à l'origine de la création de la 365 California, voiture longuement traitée dans mon sujet précédent. Sans la #3195 GT, ce sublime cabriolet n'aurait peut-être pas existé !

*****Voir à ce titre mon premier post traitant de ces deux voitures ayant inspiré Ferdinand Piëch pour une possible descendance de la 911. Et qui a peut-être inspiré le génial Gordon Murray dont il a repris l'idée des 3 places avec le poste de pilotage en son milieu pour sa mythique Mac-Laren F1.

******Ce fut l'unique California SWB à courir sur des épreuves officielles. En compétition, il y eut une autre California, mais LWB à phares non carénés (#1451 GT). Cette dernière s'est bâtie un palmarès bien plus enviable avec une 5e place absolue au Mans l'année précédente, cinq victoires absolues et plusieurs podiums dans des courses organisées par le Sport Car Club of America au cours de la même année.

  • Like 2

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Suite ...

 

Superfast II, III & IV : la trilogie des Superfast super ''Aerodinamico''.

Non, rien à voir ici avec la saga des ''Rocky'', qui plus est, est bien postérieure. Et franchement, je pense pas que ce cher Sylvester n'est eu la quelconque intention de se référer à la saga qui nous intéresse 🙂

En fait, cette saga est basée sur la nouvelle 400 SA qui fait immédiatement suite à la troisième série des 410 ''Super America'' (cf. première partie). Vous remarquerez que Ferrari et Pinin Farina ne se donnent plus la peine d'insister sur le patronyme complet tant il a produit son effet sur la cible visée du gotha des fortunés esthètes et/ou sportifs américains.

D'accord pour ce qui est de l'acronyme ''SA'' mais alors pourquoi 400 au lieu de 410 ? Contrairement à la tradition et le sens de l'histoire, c'est en effet la première fois que le chiffre, symbole de la cylindrée et donc de la puissance, régresse d'un modèle à l'autre. Certes de 10 petites unités, mais quand même.

En fait, malgré leur très grande proximité temporelle, la dernière 410 série III (#1495 SA) et la première 400 SA série I (# 1517 SA), la 400 SA donnant lieu à deux séries, seules deux petites semaines séparent leur sortie d'usine, toutes deux produites en octobre 1959.

En fait, la réponse se trouve sous le capot, élément le plus important aux yeux des Ferraristes à l'époque (et en grande partie encore maintenant, même si tout le reste a évolué à la hauteur de l'excellence mécanique), tant il est vrai que pour ''Il Drake''*, c'est la pièce maîtresse. Ne disait-il pas : ''Je construit un moteur et j'y attache des roues''.

Le fait est que le gros V12 de conception Lampredi avoue ses limites, tant il apparaît d'en augmenter sa cylindrée tant d'un point alésage (diamètre intérieur du cylindre) que course (hauteur du cylindre dans lequel se meut le piston). Qui plus est ce dernier a été renvoyé sur le champ par Enzo suite à l'explosion devant le Commendatore d'un moteur bicylindre étudié pour une petite sportive dont Enzo avait initialisé le développement en marge de ses grandes Ferrari (ce sujet étant traité plus en détail quelques § plus loin).

Par ailleurs, les nouvelles réglementations des voitures de sport venait de limiter la cylindrée à 4 voire 3 litres. Hors l'architecture du moteur Colombo sur laquelle se repose le type 168 des 250 GT correspond mieux à cette évolution. Qui plus est, il permettra d'obtenir un gain de poids appréciable d'autant que celui-ci améliorera l'équilibre des masses.

Décision est prise de développer un moteur de cylindrée supérieure sur la base du 250 Colombo, tout en en conservant les cotes extérieures. Ce que les techniciens de Maranello arrivent en portant l'alésage à 77 mm et allongeant la course de 58,8 à 71 mm. La cylindrée unitaire est de 330,5 cm3 soit une cylindrée totale de 3967 cm3.

En tournant à un régime plus élevé que le Lampredi, le nouveau 4 litres développe autant de puissance l'ancien 4,9 litres malgré un déficit de près d'un litre. Néanmoins, si la tradition veut que la voiture ainsi motorisé adopte la cylindrée unitaire, soit 330, la forte diminution numéraire risque de méprendre la clientèle, l'interprétant comme un recul des performances, même s'il n'en est rien. De fait, en lieu et place, c'est le dixième de la cylindrée totale qui sera retenue, soit 400 (ce qui diminue nettement l'impact et de fait l'évolution passera inaperçue), principe qui sera conservé sur la suivante Superfast de ''série'', la future 500 pour 5 litres, mais j'anticipe.

 

La présentation officielle de la 400 SA a lieu au salon de Bruxelles 61** en tout début d'année, et ce sous la forme d'un cabriolet vert foncé intérieur rouge (#1611 SA), même si en réalité la toute première 400 SA (#1517 SA) a été vue fin d'année précédente lors du salon de Turin sous la forme d'un coupé aux formes très anguleuses, à la calandre rectangulaire, au pare brise à montant inversé, à l'instar des Cadillac de l'époque et au toit comportant un panneau translucide tout comme la 375 America spéciale destinée à Gianni Agnelli (#0355 AL) et il s'agit justement de la troisième Ferrari spéciale commandée par celui-là même, bientôt appelé à reprendre les rênes de la FIAT.

Seulement, lors du salon de Turin, rien n'en a encore été décidé quant à l'appellation des nouvelles voitures motorisées par le tout nouveau 4 litres. Elle est donc présentée plutôt sous forme de prototipo, d'où une certaine confusion, la presse la présentant alors sous l'appellation 410 Prototipo. Cette même voiture sera présentée quelques mois plus tard au salon de Genève avec quelques retouches mineures selon les desiderata de l''Avvocatto''*** Elle dévoilera à cette occasion son identité, faisant d'elle bien la première 400 SA;

 

La série I des 400 SA a donné lieu à 25 voitures - nous sommes toujours dans l'exclusivité - dont 19 coupés et 6 cabriolets, tous exécutés par Pininfarina (en un seul mot désormais).

Les cabriolets ont toute la même carrosserie à quelques détails près (nous sommes toujours dans le sur-mesure) avec une ligne avant légèrement elliptique tendue allant de l'arrête supérieure du phare droit (dénué de carénage) jusqu'à la ligne arrière de porte, à la suite de laquelle la ligne supérieure de la ligne arrière présente un galbe plus prononcé formant ainsi un léger bombé venant mourir sur l'arrête supérieure de la ligne des trois feux rond arrières superposés entourant le panneau arrière, le denier s'arrêtant sur un pli horizontal surplombant la fine lame du pare-choc arrière, la ligne de coffre présentant un aplat légèrement en retrait des ailes, le tout avec une impression d'une certaine compacité, impression d'autant plus marquante en comparaison des coupé ''Aerodinamico'' avec leur long capot plongeant et leur poupe fastback fuyante.

Le dernier cabriolet (#3309 SA) avec ses phares carénés, adoucissant subtilement la ligne avant, sa baguette chromée courant le long des flancs tangentant le point haut des passages de roue et ses bas de caisse surmontés d'une bande chromée, marque une plus nette différence et dans sa belle livrée rouge bordeaux métallisé intérieur clair ivoire, c'est clairement le plus désirable. Présentée au salon de Genève 1962 et expédiée comme il se doit chez Chinetti Motors, il changera plusieurs fois de mains, passant inévitablement entre celles de Norman Silver (en 1966 contre l'échange de sa 330 GT 2+2 #6509 GT + $7500) mais aussi d'un certain Tom Meade en 1974 (personnalité intéressante qui mérite un sujet à part, je n'en dis pas plus), ce dernier l'a revendant au français Charles Robert (avec un tel nom, c'est évident), proche d'un certain Pierre Bardinon, la voiture se retrouvant au Mas du Clos au milieu des années 90 et étant exposée au premier Rétromobile du XXIe siècle. Elle est revenue en 2005 aux US, aux mains de Tom Price qui l'a achetée pour deux millions de dollars. Après avoir travaillé chez Ford en tant que cadre dirigeant, Tom Price a pris son indépendance en 1976 en créant sa première concession automobile en Californie et n'a eu cesse de faire prospérer son entreprise jusque à être à la tête de plus de 30 concessions sur les états voisins de Californie et du Nevada. Puis s'associant à un autre réseau de distributeurs, il a cofondé le troisième réseau de  concessionnaires automobiles américain. Ce qui lui a permis de se constituer en parallèle une collection des plus,enviables.

ECR - Collection - The Price Collection - About

Tom Price l'a revendue dans la foulée à Bill Grimsley, autre grand amateur des ''exotic european sport cars'' qui, après avoir fait fortune en tant que Directeur d'un fond d'investissement a commencé à se constituer une collection enviable à partir des années 2000.

Outre le cabriolet en question, il a acquis 4 autres Ferrari classiques majeures : 375 America Vignale Coupé (#0301 AL), 250 GT cabriolet série I (#0707 GT), 250 GT SWB California (#4037 GT) et 500 Superfast (#6037 GT).

Après l'avoir conservé 6 ans, Grimsley revendit la voiture pour un peu moins de 3 millions de dollars à l'entrepreneur texan Paul Andrews, fondateur et PDG de la société TTI, importante société de distribution de composants électroniques.

Il avait constitué par ailleurs une collection d'une centaine de véhicules dont trois Cobra 289 authentiques.

Décédé dernièrement, la collection fut vendue par ses successeurs, la 400 SA Cabriolet #3309 SA fut le clou de la vente avec un prix d'achat de 7,65 millions de dollars. La voiture est maintenant dans une livrée noire, intérieur rouge, tout aussi seyante.

 

Pour ce qui est des coupés, mis à part le premier très cunéiforme et unique exemplaire destiné à Gianni Agnelli, précédemment décrit, les dix huit autres sont tous dans la veine de la Superfast II (#2207 SA), inaugurant la ligne Aerodinamico.

 

Cette dernière est présentée sur le stand Pininfarina lors du salon de Turin fin 1961 en tant que prototype ''Superfast II'' exhumant l'appellation des deux précédentes 410 Superfast et 4.9. Superfast. Elle aurait dû logiquement porter le numéro III, s'agissant de la troisième voiture du nom. Néanmoins, si la 410 Superfast a été initialement été présentée comme un exercice de style (en quelque sorte une Superfast I), la 4.9. Superfast a été immédiatement développée en vue d'être vendue, ''corrigeant'' juste quelques traits suite aux retours d'expérience de la Superfast originelle.De fait ne pouvant être considérée comme un prototype ou une voiture de démonstration. Contrairement à la #2207 SA, cette voiture étant un véritable manifeste du savoir-faire et de la vision de Pininfarina, Sergio et le nouveau Directeur Général Renzo Carli s'étant totalement investi dans le projet.

Née en soufflerie en collaboration en l'université de Turin à partir de maquette à l'échelle 1/5e (Pininfarina se dotera d'une soufflerie à l'échelle 1 à partir de 1972 soit 40 ans avant que Ferrari ne se dote de la sienne), la carrosserie s'inspire du profil d'une aile d'avion.

Le bord d'attaque est constitué par le museau élliptique de forme réduite, le galbe continu du capot étant dénué de toute aspérité, sans aucune prise d'air, les phares étant dissimulés sous un volet se fondant totalement dans le masque avant, les ailes avant venant très légèrement et harmonieusement surplomber le capot. La pavillon extrêmement lumineux avec l'absence de déflecteur forme dans sa ligne supérieure une courbe allant de l'arrête supérieure du pare-brise jusqu'à l'aplomb du pare-choc arrière constitué de deux lames effilées englobant les trois feux arrière et reliée par une plaque métallique striée destinée à recevoir la plaque d'immatriculation. A l'aplomb du passage de le roue avant, un léger pli rectiligne parcourt le flanc jusqu'à la ligne avant de la porte, ce pli surplombant une discrète grille d'aération percée d'une dizaine d'ouïes ou autant de persiennes parallèles sous forme de très fines lamelles inclinées de haut en bas. A même la tôle peinte, telles des branchies d'un squale, ces ouvertures sont juste soulignées par la signature en lettre italique cursive ''pininfarina'', un plus grand espace entre ''pinin'' et ''farina'', laissant à penser que la toute récente association légiférée par le gouvernement italien ''ad nominem'' a été prudemment concrétisée. Signature que l'on retrouve plus discrètement en bas du montant arrière du pavillon (le montant C comme l'appelle plus prosaïquement les designers) comme enchâssée dans l'espace diédral entre la flèche inférieure que forme la ligne arrière de la custode et la courbe légèrement parabolique de l'arrête latéral du vitrage arrière largement bombé dont la courbure ne fait qu'une avec le volume du pavillon supérieure et de celui des ailes et du coffre arrière.

Comme pour mieux souligner cette désormais prestigieuse signature située sous les ouïes latérales, un jonc chromé habillé de caoutchouc noir vient, d'un seul trait vertical, traverser le flanc du milieu supérieur de la courbure arrière du passage de roue avant jusqu'à la naissance du retour de la lame oblongue de pare-choc arrière, barrant notamment la flasque dissimulant la partie supérieure du pneu arrière, ce trait de style ajoutant une touche de ''plénitude'' et de planéité à l'ensemble, le tout formant une véritable oeuvre d'art roulante.

Avec le recul, l'éditorial de Yan-Alexander paru dans le dernier numéro d'Enzo ne prend que plus de sens.

Comment Enzo aurait pu s'écrier que la Jaguar Type E présentée au public lors du Salon de Genève de la même année (ayant lieu certes quelques mois plus tôt) qu'il s'agissait de la "plus belle voiture du monde'' alors qu'il avait connaissance d'un tel chef d'oeuvre.

C'est naturellement que le surnom '' Aerodinamico'' a été émise par les équipes de Pininfarina pour caractériser cette pure merveille. Surnom qui suivra les 17 autres coupés suivant.

La voiture témoignait tant du génie du carrossier turinois qu'il ne put se résoudre à s'en séparer et Sergio, qui vouait une immense admiration pour son père Battista, la confia aux bons soins de ce dernier.

Battista n'était pas homme à laisser ses voitures dans son garage et à l'usage, il se rendit compte que la faible superficie de la grille avant ne permettait pas un refroidissement efficace du puissant V12. C'est ainsi que durant l'hiver 61/62, il fit installer une prise d'air ainsi que des déflecteurs à l'avant des vitres permettant de limiter les entrées d'air lors des trajets vitres baissées; il n'y avait alors aucune climatisation (même si les luxueuses américaines commençaient à en être équipées), non seulement pour une question de surpoids mais aussi de manque de place, l'espace sous le capot étant occupé par le volumineux V12, sans compter les disgracieuses aérations supplémentaires qu'aurait exigé ce genre d'équipement.

Sans doute pour des questions pratiques, afin de permettre un meilleur accès aux roues arrière en cas d'intervention nécessaire (crevaison, remplacement ou accès aux freins et amortisseurs arrière), les flasques furent également enlevées.

La voiture perdait ainsi un peu de sa pureté d'ensemble mais gagnait assurément en facilité d'usage.

Grand amateur de la teinte gris clair métallisé (bien moins répandue alors que de nos jours), Battista la fit également repeindre dans cette couleur.

Il s'en servit ainsi jusqu'au milieu de l'année 1962 avant que la voiture ne serve de base aux équipes Pininfarina pour réaliser une évolution profonde qui sera désignée comme Superfast IV.

 

Pourquoi passer directement de Superfast II à IV me direz-vous ? Tout simplement parce que la Superfast III avait été présenté en mars de la même année 62 (les équipes Pininfarina étaient très imaginatives et surtout envieuses de faire évoluer ce concept ''Aerodinamico'', conscientes qu'elles avaient là une merveilleuse source d'inspiration qu'il convenait de parachever en permanence).

Nous reviendrons par la suite sur la Superfast III mais pour raconter la suite de cette mutation du #2207 SA en Superfast IV, il est indispensable d'anticiper l'évolution majeure qu'a apporté la III reprise sur la IV, à savoir une vitre de custode arrière désormais en pointe de bas en haut, suppriment l'effet de flèche, augmentant ainsi l'espace vitré et réduisant d'autant l'espace entre la custode et la vitre arrière, le fameux montant C s'affinant sensiblement. Ce qui donnait l'impression que la ligne de pavillon supérieure flottait au-dessus du vaste espace vitré.

La voiture fut repeinte pour l'occasion en vert foncé et fut également ''affublée'' d'une paire de double phare en lieu et place des superbes phares masqués, certes sans doute plus efficace mais rompant tellement l'effet visuel de pureté de la ligne. Je vous en laisse juge (cf. 5e photo).

Faut-il y avoir la patte du jeune designer Tom Tjarda**** arrivé chez Pinin courant 1961 ? Vraisemblablement au vue de la prochaine 330 GT 2+2 dont il fut le maître d'oeuvre, voiture de ''grande'' série qui allait adopter dans sa première mouture ce double regard (sortie début 64).

Telle quelle, la voiture ne fut, semble-t-elle, jamais exposée. Faut-il y voir un aveu de ''faiblesse'' ou de fourvoiement de la part du carrossier ? Probable.

En tout cas, Battista ne conserva pas la voiture dans cette configuration, Pininfarina la vendant à un proche industriel, en lien assurément avec Enzo, l'ingegnere Nicolo Oronzo de Nora, alors présidant aux destinées de la Autocostruzioni Societa per Azioni (ASA) produisant la petite sportive 1000 GT dessinée début 60 par Giugiaro (alors chez Bertone) et développée au sein même des locaux de Maranello, Enzo y voyant là une façon de se diversifier et surtout de financer sa chère Scuderia (au deux sens du terme) dont les profits générés par les petits volumes des très sportives et luxueuses Ferrari peinaient à subvenir aux dépenses sans cesse grandissantes des Ferrari de compétition, raison d'être première du Commendatore.

Raison pour laquelle la petite sportive et son 1100 cm3 doit son surnom de ''Baby Ferrari'' ou ''Ferrarina''

L'ASA 1000 GT, quand Ferrari sentit le coup venir

Nora, de formation ingénieur chimiste, avait, au sortir de sa thèse, mis au point un puissant antibactérien obtenu à partir d'hypochlorite de sodium, grâce auquel il se fit reconnaître dans le monde de l'industrie chimique. Il put ainsi ouvrir un laboratoire sur Milan et fonda la société Industrielle De Nora, devenant ainsi un pionnier dans la construction d'installations pour la production de chlore et de soude caustique.

Soucieux de diversifier ses activités et amateur des petites sportives de son pays, il convainquit son père pour fonder l'ASA reprenant les droits de production de la ''Ferrarina''.

Nicolo de Nora conserva la #2207 SA pendant 10 ans, sans la reconfigurer dans une plus élégante livrée bleu marine intérieur crème et avec de nouveaux phares carénés bien plus seyants que le double regard vertical.

En 1972, la voiture fut achetée par Luke Fratello, riche californien d'origine italienne ce qui explique sans doute son goût pour les merveilles de Maranello. Il fit notamment l'acquisition 4 ans plus tard d'une sublime 365 GTS/4 gris métal intérieur noir (#14547).

Est-ce pour financer cette dernière qu'il revendit la Superfast IV fin 75 à un certain Paul Sanders sis a Rodondo Beach, Californie ? On sait peu de choses de lui, si ce n'est qu'il conserva la voiture jusqu'en 1982, date à laquelle il mit en vente la voiture auprès du concessionnaire Bobileff Motor Cars de San Diego. Qui fut alors acquise par Donald Pierce Shirley, inventeur de la première valve cardiaque à disque et fondateur des laboratoires du même nom distribuant cette valve ''révolutionnaire'' ainsi que d'autres dispositifs comme des tubes trachéaux. Il revendit sa société aux fameux Laboratoires Pfizer.

Il revendit la voiture 3 ans après via la société de courtage MDR sise à Santa Monica. Dans ce petit monde fermé (en 1986, les premiers PC personnel commençaient juste à être commercialisés et à des prix plutôt prohibitifs pour des fonctionnalités 100 fois inférieures à une tablette actuelle destinée aux enfants), rien d'étonnant à ce que la voiture demeura dans le monde du négoce automobile, en l'occurrence auprès du ''Autohandel van der Welden'', l'un des plus importateurs du Bénelux pour le groupe VAG, dont les véhicules s'y vendent comme des petits pains. Il suffit de traverser ces plats pays pour s'en convaincre.

Une fois, arrivé sur Bruxelles (ou Amsterdam ?), la voiture fut repeinte en or métallisé. Pas de trace (heureusement).

La voiture resta pendant 4 ans sur place; l'histoire ne dit pas s'il avait été proposée à la vente ou servait plutôt de voiture d'exposition.

En 1989, alors en pleine essor de la Ferrarimania, suite au décès du grand Enzo, la voiture fut proposée aux enchères ''Solo Ferrari'' à Monaco.

Flirtant avec le million de dollars, l'offre n'atteint toutefois pas le seuil minimum souhaité. Idem une année plus tard à Genève malgré une offre excédant cette fois le million de dollars.

En cette période, les vendeurs, se sentant en position de force, s'imaginaient détenir la poule aux oeufs d'or.

Finalement, en 1992, dans un contexte bien moins favorable, suite à la première guerre du Golfe, c'est Tazio Carugatti qui emporta la mise pour moins de la moitié de l'offre précédente.

Carugatti avait créé sept ans plus tôt un négoce de voitures de sport sur Genève (emplacement judicieux) dont particulièrement des Ferrari. Il fut aussi l'un des tout premiers, si ce n'est le premier importateur des créations du génial Horacio Pagani. A ce jour, il est toujours à la tête de Carugatti Automobiles que certain(e)s d'entre vous connaissent certainement.

Carugatti revendit la voiture au français Jean Becquet. 

Avec Pierre Bardinon, Roger Vermon et Jean Guikas, Jean Becquet  (un nom prédestiné) a été l'un des plus grands collectionneurs Ferrari en France.

Originaire du Nord (plus exactement de La chapelle d'Armentières situé à une bonne quinzaine de kilomètres au nord de Lille, pour les Cht'i Ferrarista, dont, je n'ai pas honte, j'avoue faire partie du moins de par ma naissance et prime jeunesse,), il a fait fortune dans le commerce de ventes par correspondance d'objets textile en étant l'un des premiers à se lancer le e-commerce. Il avait une passion dévorante pour les productions de Maranello. Outre la #2207 SA il eut (parmi les plus marquantes) :

- une 275 GTB, jaune Modena (#07555, immatriculée ''275 QL 59'', voiture qui a d'ailleurs appartenu à un certain Paul Bouvot, prédecesseur de Gérard Welter à la tête du design chez Peugeot. Tiens, à comptéter au niveau du post / Ferrari & Peugeot. Jean Becquet l'a cédée ensuite à Jean Guikas, avec qu'il devait entretenir d'excellentes relations)

- une Dino 246 jaune (sans plus de précision sur le #châssis)

- une 288 GTO (#52473 vue dernièrement avec la plaque ''692 FGQ 92'', donc apparemment vendue puisqu'en bon Cht'i, Jean Becquet de faisait un point d'honneur à immatriculer en 59)

- trois F40 (excusez du peu)

- une F50, une des très rares jaune Modena (#103497 immatriculée ''50 XB 59'' avec le F de France qui va bien devant 🙂

sans compter plusieurs Testarossa, deux 512 TR (1 rouge / 1 jaune), deux F355 (dont une Challenge jaune), trois 456 (dont l'ex Kéké Rosberg et une M), une 575 M grigio scurro. Il appréciait également les bolides de Santa Agata (une Miura jaune, teinte de prédilection apparemment, un monstrueux LM 0002, une Countach QV rouge et deux Diablo).

En 2000, il a cédé la #2207 SA à Jean Guikas, originaire de l'autre côté de la France. Ce marseillais a démarré dans le négoce maritime. Après une dizaine d'années, il acheta sa première voiture de collection avec ses propres économies et la revendit avec une assez belle plus-value, ce qui lui permit d'en acheter une autre et ainsi de suite. C'est ainsi qu'en 1989, il a fondé GTC en hommage à la 330 éponyme, qui'il affectionnait particulièrement, souvenir ému de jeunesse sans doute. Lancée en pleine explosion du marché des voitures d'exception sous l'effet conjuguée de la sortie des premières supercars et de la disparition du Commendatore (il se disait alors que ce serait peut être la fin pour notre chère marque, légende urbaine entretenue par certains marchands peu scrupuleux), l'entreprise, mue par la passion de son fondateur, connut immédiatement un grand succès. Après un trou d'air suite à la guerre du Golf (période également difficile pour le marché automobile haut de gamme, Ferrari un peu moins exposé de par son plus faible volume et une relative diversité de son offre, contrairement à Porsche et sa monoculture 911 - 964 puis 993 à l'époque - qui fut à deux doigts de la faillite. Impensable aujourd'hui.

Heureusement, la crise relative fut de courte durée et GTC a su parfaitement tirer profit de l'explosion du marché depuis les années 2000. En marge, Jean Guikas s'est constitué une collection exceptionnelle. Pour illustration via le lien suivant (il serait bien trop long de les lister, même en se concentrant sur les belles pièces), un aperçu d'une partie de sa collection qu'il mit récemment en vente (75 voitures !)

Vente RM Sotheby's de la collection Guikas au Castellet - Le Blog Auto

Pour ce qui est de la #2207 SA, il la fit repeindre en bleu nuit métallisé plus en ligne avec son standing (voir 6e photo, les deux petites filles de Guikas en premier plan).

Il l'a conserva cinq ans avant de la revendre courant 2005 (en même temps, c'est son business) à Lee Harrington, déjà longuement évoqué dans la partie précédente.

Dès son acquisition, il fit restaurer la #2207 SA dans sa configuration ''Battista'', c'est à dire dans son blanc d'origine et ses phares masquées, telle que son premier propriétaire la conduisait au quotidien !

Et plus dernièrement, il poussa le bouchon jusqu'à la remettre dans sa configuration d'origine du salon de Turin 1957. La Superfast II était de retour dans sa plus forme !

Qui plus est, elle a rejointe sa glorieuse aînée, la 4.9. Superfast ayant rejoint la collection Herrington deux ans auparavant.

La boucle est bouclée !

 

La suite dans le prochain numéro: Superfast III & la suite & fin des Aerodinamico.

 

*Rien à voir avec le rappeur canadien éponyme qui, néanmoins, a récemment défrayé les chroniques en faisant survoler sa La Ferrari jaune au dessus du public ébahi.

(201) Concert de Drake à Paris : une Ferrari vole au-dessus du public - YouTube

En fait ce surnom a été donné surtout en Italie, en hommage à sir Francis Drake, le célèbre corsaire anglais du XVIe siècle reconnu pour ses exploits et sa légendaire ténacité, notamment face à l'Invincible Armada, ne s'avouant jamais vaincu. Soit autant de qualités que le fondateur de la Scuderia possédaient sans nul doute. De son vivant, Enzo a eu bien d'autres surnoms, que le grand homme a plus ou moins apprécié. Ci-après petit post à ce sujet.

Cavaliere, Commendatore : les surnoms d'Enzo Ferrari

,

**Une première qui se répétera bien plus tard avec la 456 GT

 

***Surnom donné à Gianni Agnelli tout simplement de par son parcours universitaire. Diplômé en droits, il ne s'est toutefois jamais présenté au barreau.

 

****Tom Tjardaa a été un désigner américain mais qui a développé et concrétisé ses grands talents auprès des principaux grands carrossiers italiens, Pininfarina tout d'abord où, outre la 330 GT 2+2 signa la magnifique 365 California, longuement traitée par ailleurs, mais également la largement plus populaire mais craquante Fiat 124 Spider, puis chez Ghia où il signe pour de Tomaso la réalisation la plus marquante de la marque, la Pantera et son surpuissant Ford V8 (Ah, les Pantera Gr. IV !) mais aussi la bien plus populaire Ford Fiesta et la plus controversée Mustang II (mais moins pour son design - difficile de passer après les Fastback et autres Boss / Mach 1 de la série I - que pour ses anémiques motorisations (de puissance divisée par trois voire quatre!). A partir de 1985, il est devenu designer indépendant. Je vous laisse consulter la liste de ses réalisations. Plutôt impressionnante.

Tom Tjaarda — Wikipédia

 

 

1517 SA.PNG

3309 SA.PNG

1738505254160.jpg

Superfast II logo.PNG

  • Like 1

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Suite ...

 

Superfast III (#3361 SA) :

Après la Superfast II vient logiquement la III, même si on l'a vu précédemment, la II a donné lieu à la IV et donc réalisé sur un châssis antérieur.

Un an après la Superfast II, au même salon de Genève (cette fois-ci donc en mars 62), Sergio Pininfarina et son nouveau DG veulent encore perfectionner leur ligne Aerodinamico, si tant est que cela soit possible.

Sur la base donc du châssis #3361 SA qui succède directement au cabriolet #3309 SA abordé précédemment, ils reprennent les caractéristiques stylistiques de la Superfast II, longuement décrites ci-avant en allégeant encore la ligne au niveau du pavillon en réduisant au minimum les montants de custode (montants ''C'' pour rappel) permettant d'installer des vitres de custode augmentées d'autant, avec le profil arrière incliné d'un seul trait du pavillon à la ligne de caisse supérieure et en abaissant la ligne inférieure de la lunette arrière juste au dessus de l'arrête supérieure du coffre, ce qui a pour effet d'augmenter significativement la surface vitrée déjà généreuse et de donner au pavillon un air aérien. Des déflecteurs avant sont immédiatement installés suite au retour d'expérience de Battista sur la #2207 SA.

Quatre autre détails :

1. la prise d'air installée par Battista sur la #2207 a été conservée, ce qui a permis de conserver l'aération du moteur alors qu'un volet escamotable a été installé pour masquer la grille d'aération avant pour donner encore plus d'effet de pureté, une fois la voiture à l'arrêt.

2. Une écope de ventilation apparaît à l'arrière des passages de roues sous la baguette courant le long des flancs.

3. Le pli de caisse horizontal naissant en tangente du sommet du passage de roue et filant le long de l'aile avant vers la porte a été accentué et prolongé, venant mourir au milieu de porte.

4. La classique poignée de porte saillante sur la II a été remplacée par une poignée encastrée plus discrète et aérodynamique, principe qui sera repris bien plus tard, et notamment par Audi et sa fameuse 3e itération de la 100 en présentée au salon de Paris 1982, inaugurant une nouvelle ère de son design, marquée par le soin apportée à la fluidité et l'absence d'aspérités (avec les premières vitres latérales affleurantes), les essuie-glaces semi-noyés par la ligne supérieure du capot (même si inaugurée en Europe par la classe W128 sortie 3 ans plus tôt et déjà largement utilisées par les ''luxury'' américaines dès les années 70).

Exposée dans une belle robe vert métallisée, la voiture fait encore plus grande impression, même si l'effet de surprise est naturellement moindre, mais la magie opère toujours.

Contrairement à la II, la Superfast III n'est malheureusement pas à ce jour reconfiguré dans sa forme d'origine.

Selon certains autres sources discordantes, cette voiture n'aurait finalement pas été présenté sous cette forme a Genève mais cela aurait été directement la #2207 SA qui aurait été modifiée. Il est vrai que cette dernière était dans les mains du carrossier turinois à cette époque et ce qui est certain est qu'elle a servi de base pour la IV, reprenant les mêmes vitres de custode que la III mais avec une lunette arrière reprise de la I et surtout un avant à 4 phares disgracieux. L'hypothèse se tient, mais selon les registres de l'usine, Battista se servait de la voiture en question à cette période. 

Selon ces mêmes sources, la #3361 SA aurait été directement réalisée sous forme d'un ''simple'' coupé Aérodinamico de ''série'' dans une livrée bleu nuit métallisée (Midnight blue, ref. Italver 18943 M), intérieur cuir Connolly crème (ref 3309) avec des phares droits non carénés (C'est d'ailleurs toujours ainsi qu'elle se trouve - cf . 2e photo). Cette voiture étant effectivement exposée à Genève (pour le coup, les historiens s'accordent) avec la #3309 SA et selon ces derniers avec la #2207 SA transformée en Superfast III. Mais ce qui fait penser la balance pour la 1ère hypothèse est que Pininfarina n'avait pas les moyens de multiplier le nombre de voitures sur son stand et se limitait généralement à une voire deux Ferrari majeures de l'année à venir.

Malheureusement, je n'ai pas trouvé de photos sur stand Pininfarina de Genève 62 infirmant ou confirmant cette hypothèse. SI l'un d'entre vous en possèdent dans vos archives, manifestez-vous !

Toujours est-il que suite au salon de Genève, la voiture a été vendue dans la configuration Aérodinamico phares droit au Signore Giuseppe Brainovich, riche résident Milanais qui la conserva précieusement pendant 6 années, se rendant régulièrement au service d'assistance Ferrari sis à Modène pour effectuer son entretien.

Elle fut ensuite achetée courant octobre 68 par un certain Dino Ferrari dans le cadre d'une vente aux enchères publiques, ne s'agissant juste d'une simple homonymie, le malheureux Dino n'étant plus de ce monde depuis alors une bonne dizaine d'années. Il s'agissait en fait du propriétaire de plusieurs concessions Lancia au nord de l'Italie. La voiture fut alors immatriculée ''BS 248732'' (BS pour Brescia), immatriculation qu'elle porte toujours.

Le concessionnaire ne la conserva qu'à peine plus de six mois (sans doute l'avait-il achetée dans le but de la revendre, bénéfice à la clé). Il la revendit à un certain Ernesta Comendulli, jeune homme de 25 ans alors (riche héritier ou ''gigolo'' ?) dont on ne sait peu de choses, si ce n'est qu'il a fait immatriculer la voiture au nom de ses conquêtes successives (ce qui peut accréditer la seconde hypothèse).

Il conserva ainsi pendant presque 7 ans, la revendant en 1977 à Salvatore Borrelli, originaire de Naples et Directeur du centre italien pour la recherche aérospatiale (CIRA)

Début des années 80, Borrelli la revendit au fervent passionné Ciro Nappi, pilote italien, napolitain également, au milieu des années 70 (essentiellement dans le championnat italien des voitures de tourisme sur des voitures bien de l'époque : Opel Commodore GS, BMW 2002 TI ..., mais aussi de rallyes au volant notamment d'une 308 GTB) - Ciro eut également une 365 GTB/4 [#13315) dans une belle robe rosso rubino. Plus tard, il a été vue au volant d'une Testarossa.

Il se montra au volant de sa voiture notamment lors des premières Ferrari Days à Modène en 1983. Il vendit ensuite courant 1985 la voiture à Massimo Sordi, milanais et administrateur de nombreuses sociétés industrielles italiennes dans le domaine des équipements médicaux, de la pharmacie et de l'électronique.

Ce dernier y fut très attaché la conservant pendant plus de 30 ans et l'exposant notamment lors de la célébration des 60 ans de la marque en 2007.

Fin 2016, la #3361 SA fut achetée via l'excellente et très réputée maison Girardo (sis dans de très beaux bâtiments en - riche - banlieue de Londres. Je ne résiste pas au plaisir d'attacher le le lien ci-joint. De quoi vous faire rêver certainement).

Home | Girardo & Co

Et pas par n'importe qui par Jimmy Paige, himself, fondateur, leader et compositeur de la majorité du répertoire du cultissime groupe de rock Led Zeppelin qui, rangé des guitares mais apparemment des voitures, coule une retraite (sans doute paisible et dorée) en Floride.

C'est tout naturellement qu'il présenta sa nouvelle acquisition lors du très proche Cavallino Classic lors de l'édition de 2019.

 

Pour cette première série Aérodinamico des 400 SA série I, quatre autres voitures intéressantes, et dans l'ordre / N°châssis (que j'illustre pour les trois premières via mes propres voitures ''miniaturisées) :

- #2373 SA (cf. 3 & 4e photos - Modèle 1/43e made by BBR)

De par sa belle livrée vert métallisée, intérieur beige et sa présentation au salon de Genève (en 1961 en même temps que la Superfast II), ses passages de roue arrière élégamment ''flasqués'', son pli en continuation du passage de roue avant, elle fut également considérée pendant un certain temps comme la base de la Superfast III.

Rassurez-vous, je ne fais pas en dresser toute l'historique comme les ''vraies'' Superfast. Juste noter qu'après Genève, elle a été prêtée à Jacques Swaters, le fidèle ami outre-quiévrain d'Enzo, et ce comme véhicule d'assistance du Tour de France (mais non pas cycliste. Je vous vois déjà imaginer cette superbe voiture avec les stickers ''Cinzano'' et/ou ''Cochonou''. Mais bien du Tour de France auto 1961 pour les clients de l'écurie Francorchamps dont le très grand pilote Olivier Gendebien, compatriote de Jacques Brel ou pour les plus jeunes Stromae).

- #2861 SA (cf. 5 & 6e photos - Modèle 1/18e by Top Marques)

Parmi les coupé Aérodinamico, c'est sans doute celle qui se rapproche de la Superfast II, sa livrée immaculée, ses roues arrières flasquées, sa ligne capot continue de par ses phares carénés. Sans conteste, l'une des plus désirables des coupés Aérodinamico de ''série'' (ce n'est pas sans raison pour que j'ai craqué pour la récente reproduction de Top Marques d'assez bon rapport qualité/prix soit dit en passant).

Juste quelques mots, cette voiture a été présentée au Salon de Paris 1961, incontournable à l'époque pour les deux prestigieux constructeur et carrossier italiens.

Puis sur la demande de son premier acquéreur, l'américain (forcément) William F.Harrah, ''éminent'' citoyen du Nevada, sis plus précisément à Las Végas où il bâtit et géra des hôtels et casinos dont le fameux ''Cesar's Palace'', la voiture reçut un moteur surcoté à 4590 cm3 (soit 382,5 cm" unitaire) sans que l'augmentation de puissance n'ait été dévoilée. Mais proportionnellement, on peut estimer une puissance avoisinant, voire dépassant les 380 ch. Pour rappel, nous sommes en 61. Les plus puissantes voitures au Mans développait 315 ch et les F1 (il est vrai limité à 1,5l puisque fusionné avec les F2) à 180 ch. ! Seule la Chrysler 300 F pouvait rivaliser mais avec une cylindrée approchant les 7 litres et poids nettement plus élevé.

- #3097 SA (cf. 7e photo, modèle 1/43e  en ''white metal'' situé à gauche - coté porte conducteur de la 250 GT/E gris métal made in by AD Models, marque disparue depuis assez longtemps)

Comme pour la #3361 SA (dans sa config ''client''), il s'agit d'une version phare droit, moins harmonieuse, mais sans doute plus ''efficace'' d'un point de vue éclairage (enfin, nous sommes très loin de nos éclairages LED actuel, sans parler des prochains Matrix Laser). Elle est illustre de par son premier propriétaire : ni plus, ni moins que le Commendatore, l'Ingenerere, Il Drake en personne. Enzo l'a choisi dans une rare et belle robe ''Verde Dora'' ( je parierai pour Vert doré en Français !) avec des sièges en cuir beige avec partie centrale (la plus importante finalement) en tissu velours côtelé de la même nuance (en fait fourni en direct par Peugeot via Pininfarina - cf. mon post sur le sujet quant à l'histoire ''d'amour'' a priori ''contre-nature'' entre ces deux constructeurs).

- #3673 SA. Cette voiture était à l'origine prévu pour être la 11e 250 GTO mais gravement accidentée dès sa première sortie (par le très talentueux mais aussi ''accidentogène'' Willy Mairesse), le châssis fut récupérée pour accueillir la carrosserie d'une 400 SA SWB (en fait, base de la série II). C'est sous cette forme qu'elle passa de mains en mains avant d'arriver dans les ateliers du très renommé établissement de restauration britannique DK Engineering en 1985 qui la reconvertit dans sa carrosserie originelle, sous forme d'une ''330 GT0'' (puisque restant motorisée par le 4 litres du 400 SA). Elle fit ensuite de la collection Matsuda.

En 2013, à l'occasion d'une nouvelle restauration commandité auprès de GTO Engineering, l'autre grand spécialiste britannique es-Ferrari a corrigé les ''inexactitudes'' de son confrère (de bonne guerre), la #3673 d'origine reprenant des caractéristiques des SWB 60, coin haut arrière des portes incurvées, emplacement du bouchon de réservoir sous un rabat de l'aile arrière gauche alors que les GTO héritaient des SWB 61 pour ces deux spécifications le coin haut arrière des portes étant à angle obtus et le bouchon de réservoir situé en coin supérieur gauche du coffre arrière.

 

Pour ce qui est de la deuxième série des 400 SA, Il y eut 22 voitures dont pas moins de 18 coupé Aérodinamico et 4 cabriolets, tous exécutés par Pininfarina.

La diffèrence la plus importante est l'allongement de l'empattement de 18 cm, revenant au 2,60 des 410 Super America. Je me rends compte ici que j'ai oublié ce détail qui n'en est pas un (mea culpa). Outre la motorisation passant de 4,9 à 4 litres à puissance égale et moindre poids, une des évolutions notables entre la 410 SA série III et les 400 SA série I était le raccourcissement de l'empattement de 2,60 à 2,42 cm.

Les 4 cabriolets étaient dans la continuité esthétique des série I, l'empattement supérieure étant légèrement visible au niveau de l'espace entre la ligne de la porte arrière et la la courbure avant du passage de roue avant. Tous en version phare droit hormis le #4781 SA qui fut ensuite transformée par son dernier propriétaire sous la forme d'une California (LWB de fait)

Sur les 18 coupés, 14 étaient en version phares carénés, les flaques de roues n'étant plus de mise.

Le premier coupé et première voiture de la série II (#3931 SA) a été présenté à Earls's court au salon de Londres courant octobre 62 (dans un beau vert ''jade'' métallisé) et la dernier et dernière voiture de la série (#5139 SA) toute fin 1963 - A noter que cette dernière, c'est le cas de le dire, n'a connu que deux propriétaires, un certain Signore Romano qui la conserva jusqu'à 2021 (la voiture passant de génération en génération). Elle changea juste de main, post-COVID, devenant la propriété de Werner Schmidt, gestionnaire d'un fonds d'investissement allemand.

 

Trois mois plus tard, la ''royale'' 500 Superfast était présenté à peine deux mois plus tard à l'occasion du salon de Genève 64.

Et devinez quoi, ce sera justement le sujet du prochain (et avant-dernier) numéro.

 

Juste avant de finir, un bilan numérique, sur les 25 série I, 17 sont aux mains de propriétaires américains et sur les 22 série II, 14, soit un ratio de 31/47 ou quasiment 2/3.

 

A suivre donc la première Superfast de série...toute relative comme vous verrez.

  • Like 1

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Suite ....

 

500 Superfast : la ''Ferrari royale''.

A peine deux mois séparent la sortie de la dernière 400 SA série II de la présentation de la première 500 Superfast au salon de Genève en mars 1964.

Les équipes Pininfarina et Ferrari optèrent directement pour la désignation Superfast, ayant fait grande impression à travers les ''one off'' précédents et plus significative de la nette montée en puissance de la voiture avec le seuil mirifique des 400 chevaux atteint au lieu de 340 (pour illustration, les sport proto du Mans atteignait 320 chevaux et les Formule 1 un peu plus de 200 chevaux (certes encore pour la dernière année limitée à 1500 cm3 comme les F2). Seule l'énorme Chrysler 300 G égalait cette puissance mais pour presque le double de poids.

Et puis, le contexte avait changé. Avec la reconstruction, les pays européens étaient en plein boom. Une nouvelle jet set refaisait surface. D'où cette appellation également plus ''universelle''.

Quant aux 500, il suffisait comme pour la 400 du dixième de la cylindrée, augmentée à 4962 cm3 via un accroissement important de l'alésage à 88 mm et une plus légère augmentation de la course à 68 mm, donnant à ce tout nouveau moteur une cote supercarrée, plus favorable à une certaine robustesse à haut régime. Pour autant, avec un taux de compression de 9:1, les 400 chevaux étaient atteints à un régime somme toute raisonnable de 6500 tr/mn. Il reprenait à la fois l'écartement des anciens blocs Longs Lampredi tout en reprenant les culasses détachables comme les ''Colombo'' dont il se rapprochait plus en termes d'architecture.

La transmission était assurée par une boite 4 vitesses équipée d'un overdrive à commande électrique, repris en cela de la 330 GT 2+2 sortie deux ans auparavant.

Le châssis de 2,65 m. d'empattement (+ 5 cm/ 400 SA II) était également semblable toute comme la suspension et le double circuit de freinage.

Toutes les 37 voitures produites (composé de deux séries de 25 et 12 voitures respectives) adoptèrent la même ligne de coupé Aerodinamico. La voiture était totalement assemblée dans les ateliers Pininfarina de Grugliasco, commune proche de Turin.

Pour des questions de ''standardisation'' (le mot est fort pour une telle petite série), les phares furent tous droit (à l'exception de la #6041 SF) situés bien en retrait du masque avant de sorte à ne pas casser la ligne plongeante du capot avant dépourvu de toute prise d'air. Le pavillon reprenait les montants de custode réduits vus sur les Superfast III & IV, augmentant d'autant l'espace vitré et l'impression de flottement du pavillon, le pilier central (ou montant B) étant toutefois ici bien présent (de par les contraintes de rigidité auxquelles une voiture de ''série'' doit répondre, contrairement à un prototype ''statique'', d'autant que les performances de la voiture s'étaient significativement accrues et que la technologie de l'époque tant en termes de structure que de matériaux était loin de celle acquise tout au long des décennies suivantes).

La partie arrière était tout aussi plongeante que celle des 400 SA mais tronquée en son extrémité par un panneau vertical (selon le principe aérodynamique de Kamm inqugurée par les 250 GTO mais toutefois ici avec une hauteur de panneau bien plus faible). Les pare-chocs arrière étaient constitués de deux fines lames inox en boomerang (comme à l'avant) démarrant au milieu de l'aile arrière pour finir avant le premier tiers bas du panneau arrière. Les trois feux (clignotant, feux de position et témoin de frein ainsi que feux de recul) étaient positionnés dans un bloc orange situé juste au dessus du pare-choc et tangentant en partie supérieure la courbure de l'arrête formé par le retour de l'aile arrière et de la naissance de la ligne basse du coffre.

Les flancs avaient été dépouillés de toute moulure, juste percés en haut de l'aile avant en aval supérieur du passage de roue avant d'une aération composée de onze volets obliques inclinés de haut en bas sous forme de fines lamelles, onze exactement réparties sous la forme de trois blocs contigus, quatre lamelles à chaque extrémité et trois au milieu juste séparé par un espacement un peu plus important. Cette caractéristique était propre à la 1ère série à part la dernière d'entre elle reprenant les aérations simplifiées formées de 3 volets bien plus espacés et ceinturés en périphérie par un fin jonc chromé tel qu'adoptées par la 2e série.

L'ensemble étant encore d'un sublime équilibre et d'une indéniable pureté des lignes propres aux coupés Aerodinamico. Campée sur des roues de dimensions légèrement supérieures / 400 SA, toujours équipées des superbes jantes à rayon Borrani, la voiture apparaît comme sensiblement plus longue que la 400 SA alors qu'elle ne mesure en réalité qu'un cm supplémentaire (4,82 m contre 4,81 m), l'effet conjugué d'un empattement légèrement plus long (+ 5 cm) et surtout d'une hauteur bien diminuée (1,24 m contre 1,31 m) générant cet effet d'optique.

L'intérieur est somptueux, au delà des sièges, la sellerie cuir connolly s'étendant au compartiment à bagage en partie arrière de l'habitacle, aux panneaux de porte, aux panneaux latéraux de la vaste contrôle centrale, aux divers habillages tels que soufflet de boite, pare-soleil, accoudoir ..., la planche de bord, hormis l'espace des très complets compteurs étant habillé d'un plaquage en noyer, les mécanismes (poignée pivot des sièges notamment) et interrupteurs étant en un bel acier inox.

Bref, de par son raffinement, sa ligne et sa puissance au top de ce que peut proposer le meilleur de l'artisanat automobile au plus noble sens du terme, la voiture mérite son surnom de Ferrari ''Royale'', le fait est qu'outre ''l'habituelle'' jet set, la voiture attire les têtes couronnées tel que le Shah d'Iran (qui en possédera deux, une de chaque série), le prince Sérénissime Aga Khan et le prince Bernhard de Hollande.

Comme il serait fastidieux de les passer en revue une par une, les voitures présentant qui plus est peu de différences de l'une à l'autre, je vous invite à parcourir l'index complet des 37 voitures répertoriées par l'excellent site ''barchetta cc''.

500 Superfast - Index

Juste un petit retour sur trois voitures, à savoir la toute première d'entre elle (#5951 SF), présérie présentée à Genève avec quelques singularités non reprises sur les versions de ''série'' suivantes, la dernière de la première série (#6679 SF) faisant la jonction avec la 2e série et l'une des voitures de la 2e série (#8019 SA), présentée au salon de Bruxelles en tout début 66 et caractéristique des évolutions apportées par cette série, le fait étant que je les possède, miniaturement parlant, ce qui en facilite l'appréhension.

- La #5951 SF fut présentée dans une belle livrée bleu azur/blanc avec les spécificités d'un embossement sur le capot partant de l'arrête supérieure du capot en son milieu entre l'espace situé entre les deux essuies-glace et finissant en pointe à l'orée de la ligne inférieure du capot, de blocs optiques arrières constitués d'une partie orange latérale démarrant au bord de l'arrête de l'aile jusqu'à l'aplomb de la ligne latérale verticale du coffre et sur son dernier tiers d'une partie rouge foncé ainsi que de poignées de porte saillantes.

Le bossage, jugé peut-être allant au détriment de la pureté de la galbe du capot, ne fut pas retenu sur les voitures de ''série'' suivantes de même que le bloc bi-ton (il fut unanimement orange sur les suivantes) et les poignées de porte, profitant de l'enseignement des Superfast III & IV, furent comme ces dernières affleurantes à la carrosserie.

Ces spécificités ne retrouvent pas sur le modèle reproduit par BBR au 1/43e (cf. 3e photo) mais à la décharge de ce dernier, comme l'illustre la photo suivant, la voiture les a (maheureusement ?) perdues lors d'une de ses restaurations. C'est donc la version actuelle que BBR a reproduite.

Après le salon de Genève, la voiture passa entre les mains d'une petite dizaine de propriétaires successifs, tous résidents germaniques ou suisses, avant d'être finalement rachetée par ''Scuderia Blu'', groupement de concessionnaires de véhicules de luxe, siégeant à Bergame et qui eut l'excellente initiative de lui redonner son bleu azur d'origine, la voiture ayant été entre temps repeinte dans un rouge, certes iconique de la marque mais pas pour ce style de ''monument''.

- La dernière série I (#6671 SF) fut commandée en direction à droite par le célèbre acteur humoriste Peter Sellers, connu pour ses premiers rôles en tant que Docteur Follamour et plus encore dans la peau de l'inspecteur Clouzot dans la panthère rose, inspiratrice d'une série de dessins animé au très célèbre air d'introduction (pour celles et ceux qui ont été bercé par cet air dans leur prime enfance en auront sûrement des souvenirs, mais ne le chantonnez pas : il vous restera en tête pendant longtemps 🙂

Homme de bon goût comme tout bon gentleman sujet de sa majesté, il choisit la voiture dans une originale et très réussie combinaison noisette (plus proche du doré) intérieur cuir crème. Du plus bel effet. De fait, la voiture est restée dans cette très belle livrée, très bien restituée par BBR dans sa reproduction ci-jointe au 1/18e. A noter qu'elle anticipait la série suivante avec sa grille d'aération composée de trois larges volets.

Sellers, homme de goût mais aimant changer souvent de monture, la revendit deux ans après à Sir Georges Burton, compatriote comme son nom l'indique et riche homme d'affaires, chimiste de formation, ayant réussi dans l'industrie des engrais et autres fertilisateurs. Burton fut plus conservateur la revendant en 1987 à un certain Murray, tout aussi britannique (en même temps avec un volant à droite, qui d'autres pourrait en faire son véhicule de prédilection). Rien à voir a priori avec le génial Gordon, à l'origine chez Mc Laren des glorieuses MP4 et de la la fabuleuse F1, ayant plus dernièrement créé ses propres modèles à la gloire de la motorisation V12, et encore moins avec Andy, bien trop jeune, ni même né à l'époque, ses exploits tennistiques datant de 5/6 ans à peine. Il s'agirait plutôt de Stephen, fondateur d'une grand carrosserie de réparation et transformation (Eastbourne Coach Finishers Ltd).

Murray l'a mise en vente à l'encan via la maison Brooks onze ans plus tard, non sans certainement en prendre grand soin via ses ateliers.

Une fois encore c'est la même ''Scuderia Blu'' qui emporta la misenpour la somme de £110000 (soit environ 260000 euros actuels, la cote actuelle dépassant les deux millions d'euros). Elle est toujours à l'heure actuelle en possession de ces deux merveilles.

- La série II #8019SF fut exposée au salon de Bruxelles en janvier 1966 dans une plus classique mais non moins seyante livrée blu serra / intérieur gris clair (visible au 1/43e en arrière plan de la #6679, modèle monté à partir d'un kit italien ''Uno 43'', marque artisanale certainement aujourd'hui disparue, comme nombre d'autres datant d'avant l'ère d'internet et de la numérisation).

Outre la nouvelle grille d'aération déjà vue sur la dernière série I, traitée juste ci-avant, la voiture reprenait la boite 5 vitesses entièrement synchronisée que la 330 GT 2+2 nouvelle mouture venait d'inaugurer en (bien) plus grande série.

Via Chinetti, la voiture fut achetée par le juge Leibowitz sur New York puis changea de main deux fois avant de devenir la propriété de la famille Wilde (rien à voir avec Dany qui lui pilotait une Dino rosso aux côtés de l'Aston DBS jaune bahamas de Lord Brett Sinclair - celles et ceux qui ont suivi leurs aventures sur le petit écran auront reconnu là également 🙂

Non, il s'agit de Phil Wilde, PDG de la société Informix sise dans la fameuse Silicon Valley, société qui fut rachetée depuis, Phil ayant laissé en héritage sa #8019 SF à son fils Peter et certainement plus, ce dernier se consacrant avec son épouse à la restauration du parc de Portola Valley.

 

Juste à signaler, fait rarissime pour de telles raretés, la destruction d'une voiture, la #6345 SF, voiture exposée au Salon de Londres, achetée par un certain Richard Wilkins, probablement négociant puisqu'il la revendit dans la foulée à William Tomkins qui, dramatiquement, se tua à son volant le 2 février 1967 sur l'autoroute A1 près de Peterborough.

La voiture très endommagée fut considérée comme irrécupérable, d'autant que sa valeur d'occasion n'en valait pas la peine à l'époque. Seul le moteur a été sauvé et remis en état, étant installée dix ans plus tard sous le capot de la 275 GTS #7171, également en configuration direction à droite.

Autre 500 Superfast qui manque à l'appel, du moins dans le cercle privé des collectionneurs donnant accès à leurs merveilles, la #6605 SF, première des deux ayant appartenu au Shah d'Iran et que ce dernier n'eut pas le temps d'expatrier (Il avait vendue la seconde en 1976 quelques années avant la révolution islamique). Elle est, semble-t-il, exposée au musée national de l'automobile à Téhéran avec son pare-brise demeuré brisé avec d'autres stigmates, témoignant du ''mouvement d'humeur'' de certains révolutionnaires, considéré certainement comme un acte de bravoure par les dirigeants en place, raison pour laquelle, la voiture a été laissée dans cet état.

Enfin la #6049SF connut un sort plus enviable. Puisque gravement accidentée, suite à une sortie de route, heureusement sans gravité pour le conducteur, la voiture fut totalement remise à neuf en 2010 par la société de restauration Paul Russel & Co, sise dans l'état du Massachusetts. Antoine Prunet dans son index de son ''Les Ferrari de route et de rêve'' la signale comme détruite. Normal puisque l'ouvrage a été édité à la fin des années 80.

 

Au final, sur les 35 voitures restantes sur le marché (considérons que la #6605 SF est hors-jeu, jusqu'à ce que le sens de l'histoire ne change mais nous en sommes loin), seule une petite moitié (16 précisément) sont aux mains de propriétaires américains, le gros restant étant majoritairement aux mains d'européens (allemands, anglais en grande partie + suisses & français), deux en Asie (Hong-Kong) et une au Mexique.

Une fois de plus, Pininfarina et Ferrari avaient vu juste en pariant sur une internalisation de leurs ''grands luxes''.

 

La suite, on la connaît, sous la pression des riches clients vivant sous des latitudes ensoleillées et préservées telle que la Californie (encore en ce temps-là), frustrés de ne pas s'être vus offert de versions découvrables, Pininfarina réalisa sur cette même base la 365 California (voir post à ce sujet par ailleurs), la voiture diminuant sensiblement de puissance en récupérant le moteur assagi de la 365 P avec ses 600 cm3 de moins, 320 chevaux suffisant pour rouler cheveux au vent et profiter de la symphonie du V12 en vroum majeur.

C'était aussi un moyen d'initialiser de la meilleure façon la famille des 365 de route, suivant avec les 365 GT 2+2, 365 GTC, 365 GTB/4 & GTS/4, 365 GT4 2+2 et enfin 365 GT4/BB inaugurant une nouvelle ère de berlinettes 12 cylindres à moteur central.

Dans l'esprit, c'est la première, la 365 GT 2+2 qui, le plus, fut une continuation des Aerodinamico sublimées par les Superfast. De la 500 Superfast, elle reprenait en effet l'avant effilé, se permettant même pour certains exemplaires des phares sous carénage, améliorant ce galbe continu.

Conservant le même empattement de 2,65 m, la voiture reprend aussi un arrière fastback mais cette fois moins harmonieux, plus cunéiforme, la lunette arrière incliné devenu pratiquement plane et rectangulaire rejoignant une ligne de coffre très peu galbée également également et moins incliné, le panneau arrière devenu de fait plus volumineux. La voiture a abandonné les jantes Borrani au charme peut-être un peu suranné pour des Campagnolo au dessin plus contemporain mais incontestablement moins glamour.

Au final, la voiture perpétue la tradition des grandes GT de luxe mais en perdant de cette équilibre et juste harmonie qui flattait immédiatement le regard de toutes celles et ceux qui se portait sur les coupés 400 SA et 500 Superfast, l'avant galbé se mariant plus difficilement avec les angles vifs de l'arrière.

Qui plus est la voiture était très longue avec 4,97 m (soit + 15 cm / Superfast) avec notamment un porte à faux arrière immense que les élégantes arches de pavillon reliant les montants de custode à la ligne de coffre) ainsi que les longs retours du pare-choc arrière arrivaient un peu à en atténuer l'effet de masse.

En revanche d'un point de vue technique et équipement, la voiture proposait un sérieux bond en avant avec quatre roues indépendantes avec ressort hélicoïdaux et amortisseurs téléscopiques coaxiaux associés à l'arrière d'un dispositif oléopneumatique permettant de corriger les variations de charge inhérentes à l'implantation 4 places et au plus vaste coffre (c'est d'ailleurs la seule Ferrari à ce jour à bénéficier d'un tel équipement), une monte pneumatique à la pointe des dernières innovations, en l'occurrence des Michelin radiaux XVR, une direction assistée de série, un système de conditionnement de série, le tout pour un tarif plus de deux fois inférieur à la 500 Superfast.

C'est de fait un succès (pour l'époque) avec 800 exemplaires produits entre la fin 67 et début 71.

La très éphémère GTC/4 suivante, produite pendant à peine plus d'un an, tentera de moderniser le concept Aerodinamico avec une ligne encore plus fuselée s'inspirant également de la sportive 365 GTB/4 et repoussant au maximum la vitre de custode à l'arrière de la voiture terminant en pointe à l'aplomb de l'arrière du passage de roue, lunette et ligne de coffre ne faisant qu'un. La voiture était également bien moins longue avec 40 cm de moins, mais au détriment de l'habilité arrière, l'espace devenant réservé à des enfants de petite taille.

Mais nous étions entrés dans une autre époque. Pininfarina l'avait compris en proposant, à l'instar de ses Fiat 130 coupé ou Peugeot 504 coupé, une toute autre ligne, plus classique, tri-corps, dégageant ainsi plus d'espace habitable, sans toutefois se départir d'un bel équilibre et d'une belle assise. Ce fut la famille des 365 GT/4 2+2, devenu 400 puis 412 qui connut la plus longue carrière pour une Ferrari de route avec plus de quinze années de production. Une fois encore, Sergio et ses équipes avaient vu juste.

 

Mais on s'éloignait définitivement du faste des Superfast !

Avant un jour de mieux y revenir.

La suite au prochain et dernier numéro.

500 SF Proto.jpg

SF intérieur.PNG

Photo 030.jpg

SF 5951.PNG

IMG20220217132041.jpg

IMG20220217132059.jpg

  • Like 1

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Suite & fin (enfin !)

 

La descendante : une très longue attente

Après la 500 Superfast à la fin 66, il fallut attendre très longtemps avant que Ferrari exhume ce patronyme prestigieux.

J'ai ma petite théorie là-dessus. Laissez-moi vous l'exposer.

Je pense qu'il faut se placer à période charnière des années 1968/1969 avec les événements suivants pour trouver une explication de la sortie des radars d'une telle désignation.

 

1. Tout d'abord, revenons au début du mois d'octobre 1968 où Ferrari a réservé le salon de Paris pour présenter sa toute nouvelle GT V12 à moteur avant, la 365 GTB/4 (encore une première pour ce salon !). Le choc visuel est immédiat - la voiture fait un effet ''boeuf'' (excusez moi pour la trivialité), ce qui est toujours le cas aujourd'hui (au point qu'elle fait référence pour toutes les GT V12 avant renaissant après la (bonne) parenthèse des BB & TR - et la presse la surnomme aussitôt ''Daytona'', en hommage au triplé obtenu par les P4 et 412P l'année précédente, se vengeant ainsi de la gifle du Mans affligé par les GT40. Mais cela faisait plus d'un an et demi après (Daytona se courant fin janvier; je veux bien que cette victoire fut une immense fierté à Maranello, mais tout de même, de l'eau avait coulé sous les ponts depuis (Ford ayant notamment reporté le Mans deux fois supplémentaires, soit trois succès de rang).

En fait, le surnom n'est pas fortuit. En effet, dès mi-66, le chantier de la remplaçante de la 275 GTB/4 est lancé. Et les premiers prototypes sont ébauchés courant premier trimestre 67, dans l'euphorie du triplé retentissant de Daytona. C'est donc en interne que ce surnom aurait été donné au projet.

Le premier prototype (#10267) est finalisé à la fin de l'automne 67 sous forme d'une berlinette rouge fastback avec le profilé arrière que reprendra la future ''Daytona'' mais un avant plus galbé et des feux rappelant encore la 275 GTB/4 (voir 1ère photo modèle en arrière plan de la ''Daytona'' rouge définitive et du proto hard-top qui sera présenté à Paris après le lancement de la 365 GTB/4). Un deuxième prototype, cette fois gris métallisé (#11001) est présentée en interne peu de temps après (voir 2e photo modèle en arrière plan de la 365 California bleu azur déjà abordée dans le numéro précedent). On aperçoit bien l'avant encore inspiré de la 275 GTB/4 mais l'habitacle et la partie arrière ressemblant déjà de très prés à celui de la ''Daytona'' définitive.

Ces prototypes sont réalisés en face de l'usine chez Scaglietti pour éviter les indiscrétions. Il se dit qu'Enzo, voyant en ce patronyme un bel hommage à une des plus belles pages sportives de la Scuderia, était plus favorable à l'utiliser dans la suite du chiffre issu de la nouvelle cylindrée unitaire, faisant ainsi un trait d'union avec les dernières routières de grand luxe, la 365 California en l'occurrence dont la confidentielle mais illustre production venait de prendre fin. Seulement, il y eut, semble-t-il une fuite bien avant sa sortie, à moins que cela ne soit un coup de chance d'un journaliste (ou doué de ''mentalisme''). Toujours est-il que le surnom Daytona circula début 68 bien avant la présentation officielle de la voiture.

Il est peu de dire qu'Enzo apprécia diversement ce qu'il a perçu comme une trahison, lui qui se faisait un insigne honneur de laisser la presse dans le secret jusqu'à la présentation de sa prochaine voiture (c'est toujours le cas aujourd'hui, même avec la démultiplication des paparazzi et de leurs moyens; j'en veux pour exemple la dernière F80 qui fut réellement dévoilée lors de sa présentation officielle, les spyshots ne nous en donnant qu'une très vague idée, si ce n'est qu'on savait juste qu'elle allait recourir à un surplus électrique en sus de son moteur thermique). De fait, furieux, Enzo aurait décidé de changer de pied et d'appeler la voiture plus simplement 365 GTB/4 dans la continuité de son illustre aînée.

De fait, on ne l'y reprendrait plus et il fallut attendre le début des années 80 avant que le Commendatore daigne donner un patronyme à une voiture de route, la Mondial (faisant référence à un nom de gloires passées à savoir les 500 du même nom ayant couru au milieu des années 50 sous forme de très belles carrosseries barquettes et berlinettes, en quelque sorte des petites 375 MM équipées d'un deux litres 4 cylindres au lieu du gros 4,5 l V12. Rien à voir néanmoins avec la nouvelle 2+2 à moteur central, implantation plutôt ingrate en termes de design. Elle aurait pu reprendre le terme GT4 de celle à laquelle à elle a succédé mais conservant un 3 litres V8 avant d'évoluer vers un 3,2 litres, la voiture ne pouvait pas reprendre le même nom). Ce fut ensuite quatre ans après la ''Testarossa'', nom que proposa le chef de projet, Emanuele Nicosia, en clin d'oeil à la coquetterie des couvre culasses peintes en rouge tout comme les illustres 250 TR. Et comme il fallait marquer un grand coup face aux légendes Countach et 911 turbo qui, depuis dix ans déjà s'étaient installées en tête d'affiche des passionnés, la magnifique BB ne les ayant bien sûr pas laissés indifférents, loin de là, mais sans doute de par un dessin plus consensuel, plus sobre, a relativement marqué moins les esprits (A noter que ces deux premières Countach et 930 sont apparues ensemble ou quasiment et ont arrêté leur carrière au même moment après plus de quinze ans de commercialisation, soit le temps pour certain(e)s d'entre nous de passer de leur tendre enfance à l'âge adulte, non sans avoir affiché aux murs de notre chambre le poster de ces deux icônes).

La suite, on la connaît : Maranello, Berlinetta, F12 (pas de patronyme cette fois) pour enfin Superfast plus de cinquante après, mais j'anticipe.

 

2. En 1969, un événement majeur, dirai-je même une révolution à lieu. Le Commendatore, face aux défis financiers qu'imposent une continuation voire intensification des compétitions, toujours de plus en plus coûteuses et l'impérieuse nécessité d'augmenter les volumes de production des voitures de route en regard, se résout à vendre à Fiat les parts et départements consacrés aux voitures de route, se concentrant sur ce qui finalement est sa réelle passion : la Scuderia.

Dès lors, Enzo ne sera plus maître à bord même si évidemment son avis pèsera toujours de manière importante. Premier effet visible, Fiat empreinte le Dino V6 dans une version 2 litres légèrement dégonflée dans son Coupé Bertone et son cabriolet Dino Pininfarina, de quoi gonfler les ventes de ce moteur et lui permettre d'être homologué plus tard pour être transplanté dans la Stratos dans le championnat d'Europe puis du Monde des rallyes pour mettre fin à la domination des petites et ''artisanales'' A110.

De même, Fiat, toute proportion gardée, met fin aux très petites séries, certes très appréciées des très riches client collectionneurs (mais nous sommes très loin de tout phénomène de spéculation) et faisant l'admiration du sérail, mais rapportant finalement peu, eu égard aux frais de développement élevés difficilement répercutables sur une très faible quantité de voitures produites. La grande 2+2, lancé en 1973, suite à la trop confidentielle GTC/4 durera ainsi plus de quinze ans, sans déclinaison spéciale, hormis le fait de l'initiative de client privé ayant recours à des transformateurs (tels que 400 i cabriolet par Straman ou l'originale ''Fly Studio'', sorte de targa ''transversale'' - cf. 3e photo, unique voiture réalisée par 2 ex-ingénieurs Ferrari pour le compte d'Etienne Aigner, alors manager de pilotes de F1 tel que Regazzoni et d'autres), la seule transformation ''officielle'' étant le cabriolet réalisé par Scaglietti pour l'Avvocato Agnelli en personne (qui pouvait se permettre une telle dérogation comme on l'imagine).

 

3. Toujours au cours de cette même année, Pininfarina se voit confier par son fidèle et grand partenaire Peugeot la production du coupé et cabriolet 504 qui nécessité de mobilier des moyens importants de la part du carrossier. Et comme en réponse à ce qui a pu sembler comme un affront, le nouveau gérant partenaire de Ferrari, Fiat, confie au même carrossier l'étude puis la production d'un grand coupé sur la base de la berline 130, alors haut de gamme du constructeur turinois, ce alors même que trois auparavant ce même Fiat lui avait confié la production du petit spider sur base de la berline de grande diffusion 124.

Pininfarina se mut alors comme constructeur, ses lignes tournant à des cadences qui n'ont plus rien à voir avec celle du temps des superbes et exclusives petites séries Ferrari.

De fait, il n'est plus question de continuer à consacrer un temps précieux sur de telles petites séries, très chronophage eu égard les volumes de production confidentielles. D'ailleurs, si ces séries ont permis de faire rayonner le nom de Pininfarina à travers toute la planète, le carrossier n'a plus à faire ses preuves, partenaire de premier plan qu'il est devenu de grand constructeur automobile de grande série, soucieux d'apposer la signature Pininfarina sur leur porte drapeau.

 

Voilà à mes yeux trois raisons qui expliquent cette longue mise en veilleuse des petites séries exclusives dont les Superfast en étaient le symbole.

 

Les années 2000 : le tournant

J'ai un souvenir très marquant du salon de Paris 2000, alors en visite le dimanche 10 octobre 2000, une  grande exultation régnait sur le stand Ferrari, quelques heures avant l'ouverture, horaire décalage aidant, nous avions en effet appris la plus grande et plus heureuse du nouveau siècle : Ferrari était à nouveau champion du monde des pilotes grâce à notre géniallissime Schumi - une attente depuis plus de 21 ans après le dernier titre de Scheckter* (à espérer que nous n'attendrons 2028 pour succèder au titre de Kimi. Avec le duo Charles -Lewis, nous devrions bien réussir avant cette année-là). Et là surprise, au-delà du titre, quelle divine apparition en découvrant la 550 barchetta, édition limitée à 448 exemplaires sur la base de la Maranello, première série limitée hors la lignée des supercars, 288 GTO, F40 & F50 (Désolé pour la piètre qualité des photos, s'agissant de photos numériques de photos argentiques, les smartphones étant loin d'exister à l"époque).

Il faut dire que nous, Tifosi, nous étions ''résolus'' à la limitation des séries exclusives aux seuls supercars (et désormais hypercars).

A titre personnel, je l'aurai rêve en gris fusil intérieur rouge (cf. mon modèle 1/43e configurée dans cette livrée).

 

Il fallut attendre la prochaine itération, la 575 M (succédant à la 550 Maranello début 2002), pour voir tout début 2005 à l'occasion du salon de Détroit, la nouvelle édition limitée  hors supercar (559 exemplaires - rien à voir avec les chiffes des années 60), en l'occurrence la bien nommée 575 ''Superamerica'' (en tout attaché). Tiens, tiens. Un tel patronyme n'avait pas été entendu depuis plus de 40 ans et la toute dernière SA sortie d'usine (et encore, on ne parlait plus que de SA, la dernière ''Super America'' en deux mots datant d'août 62). Le fait qu'elle soit dévoilée sur le sol américain n'est pas certainement pas fortuit. Tout comme celui qu'elle soit équipée du pack handling GTC et de la plus grande puissance développée par un V12 alors avec 540 chevaux contre 515 pour le 575 M. Tiens, cela ne vous rappelle-t-il pas une certaine 410 & 4.9. Superfast avaient déjà 6% de puissance supplémentaire au plus puissant des V12 de l'époque. Equipée d'un toit translucide transparent et opacifiant (brevet Saint Gobain, made in France !) basculant (à voir en automne comment gérer la retombée des feuilles en cas de stationnement toit ouvert sous les arbres toit ouvert en cas d"été indien :), il s'agissant plus d'une ''Targa'' (pardon pour le ''Porschesisime''), la barchetta précédente n'étant réellement utilisable que découverte. Le patronyme Superamerica, outre le clin d'oeil aux très petites séries limitées éponymes d'antan, était avant tout un hommage à la distribution officielle des Ferrari aux Etats-Unis depuis 50 ans (cf. ci-joint repro Looksmart qui présente l'avantage d'un toit basculant fonctionnel)

Paradoxalement, Ferrari n'a pas communiqué sur la proportion d'exemplaires vendus sur le sol américain. Il est à parier qu'elle est significative, mais dépasse-t-elle les 50 % ou non ?

Pour celles et ceux qui possèdent plus d'informations à ce sujet, je suis preneur.

 

En parallèle, Pininfarina, que les grands constructeurs avaient dernièrement abandonnées au profit de leur département design interne (Fiat /Peugeot ...) et avant que le carrossier se tournent vers les constructeurs asiatiques, s'étaient remis via le plus richissime des collectionneurs (Le sultan de Brunéi aux moyens quasi-illimités) à réaliser des modèles uniques, spécialement sur base Ferrari (pas toujours du meilleur goût - Nous avions eu un avant goût avec la Meera sur base 412 à destination également d'un richissime citoyen du moyen-orient. Mog Modèles en avait proposé un kit au 1/43e, désormais introuvable, la Ferrarimania ne s'étant pas à l'époque - mi-80 - trop concrétisée à petit échelle). 

A l'occasion de Peeble Beach Concourse de 2006, il avait également fait grand bruit en présentant le ''one-off'' P4/5, interprétation modernisée de la ''hyper-super mythique'' 330 P4** en partenariat avec James Glickenhaus, richissime entrepreneur américain, ayant fait fortune dans la finance avant de se lancer dans la réalisation. Amoureux de Ferrari, il est l'héritier des grands collectionneurs américains évoqués dans les numéros précédents. Basé sur l'Enzo, cette ''one off'' a fait grand bruit de par son autorisation de Ferrari pour la réinterprétation d'une si ce n'est la plus grande icône de son histoire - Ferrari a en revanche refusé toute réinterprétation de la 25O GTO - En miniature (cf. photo à suivre, elle ne fut reproduite que par un confidentiel (en Europe) mais très éclectique artisan Japonais ''Yow Modellini'' dont j'ai eu la chance de me procurer le kit et le faire monter).

 

Trois ans plus tard, courant 2008, avec la création du département ''One off'', c'est un grand pas vers le retour du sur-mesure, la forte croissance des hyper-riches avides d'exclusivité aidant, (la croissance du marché asiatique et tout particulièrement de la très communiste république Chinoise, s'étant converti au capitalisme par intérêt (eh oui) n'y étant pas étrangère).

Toujours est-il que c'est cette année qu'est réalisée et présentée le premier ''one-off'', une première ''timide'' carrosserie spéciale sur base de la F430 (commandée par un client du Soleil Levant).

C'est l'année suivante à l'occasion de la deuxième réalisation du nouveau département que le patronyme Superfast a refait surface, 43 ans après la sortie de la dernière Superfast officielle.

Il s'agissait d'une commande d'un certain Edward Walson, citoyen américain, comme au bon vieux temps, Riche héritier de l'inventeur du réseau de télévision câblé aux US, et dont le premier souvenir d'une Ferrari remontait à l'apparition d'une 330 GT carrossée sous forme de spider targa de couleur or dans le film Tobby Damit, court-métrage, 3e volet des ''histoires extraordinaires'' de Frederico Fellini, voulait s'en offrir une réinterprétation (voir belle reproduction de Looksmart rendant bien la livrée dorée rappelée au niveau de l'habillage intérieur des sièges). Plus exactement, son nom complet est P540 Superfast Aperta (P comme Prototype vraisemblablement comme signification de son caractère unique, 540 étant plus énigmatique puisque la 599 donneuse avait une puissance de 620 ch et la cylindrée unitaire était de 499 pour ne pas dire 500, Superfast étant en revanche un clin d'oeil des plus anciens de Pinin forcément berçé par l'histoire et ayant en tête les sublimes Superfast ayant tant fait pour le mythe du carrossier, Aperta signifiant tout simplement ''ouverte"" en italien et largement repris depuis par les équipes de design internes de Ferrari.

A ce propos, l'Aperta sur base de 599 présentée en avant-première comme au vieux bon temps au Mondial de Paris 2010, en souvenir des séries exclusives, nul doute que les équipes Ferrari se sont souvenues de ce ''one-off'' en précédant cette nouvelle appellation du fameux acronyme SA, synonyme de Super America comme au bon vieux temps.

 

Puissance et montée en gamme aidant de la gamme GT V12 à moteur avant (485 ch pour la Maranello, 515 pour la ''phase 2'' 575 M, voire 540 pour la Superfast, 620 pour la 500 et 670 pour la GTO, 720 pour la F12 et 780 pour la TdF), la 812 et ses 800 chevaux et 12 cylindres comme son l'indique méritait bien de reprendre à son compte l'exclusive appellation Superfast, tant lors de sa sortie en 2017 (c'était il y a 8 ans et à l'époque hormis l'anecdotique Veyron, c'était la voiture de série - c'est à dire en édition non limitée - la plus puissante.

Avec qui plus est une finition et un luxe sportif n'ayant plus rien à voir avec les 80's, 90's voire 2000's reprenant nombre d'accessoires du groupe Fiat !

Bref, un gros V12 surpuissant, une ligne à couper le souffle, une finition exclusive ... de quoi reprendre avec brio le patronyme ''Superfast''.

Comme quoi chez Ferrari, on a le sens de l'histoire. C'est aussi cela entretenir la légende (car j'imagine qu'aucun membre de l'équipe du développement de la 812 Superfast n'ait connu l'époque de la 500 Superfast, peu d'entre eux ayant même été nés lorsque le dernier modèle de cette dernière sortait des ateliers Pininfarina.

 

Bref, une bien belle saga, où l'on voit que Ferrari sait préserver son histoire. Ce qu'apparemment nos plus éminents journalistes de la télévision françaises sont totalement ignares.

Tant il est vrai que pour avoir revisionné en replay, les derniers numéros des émissions ''historiques'' de ces deux chaînes, j'ai personnellement eu la nette impression qu'elles ont pris un sacré coup de vieux. Là aussi, je suis intéressé par votre avis.

 

Quant à la prochaine Superfast sera-t-elle toujours thermique, hybride, 100% électrique ou à hydrogène ?

Personne ne le sait à ce stade, pas même John Elkan ou Benedetto Vigna.

Quoiqu'elle soit la motorisation, elle sera hyper-puissante, luxueuse et exclusive.

 

Fin (momentanée) de la saga. Merci pour celles et ceux qui ont eu la patience de me lire jusque là.

 

*Comme si Ferrari le pressentait - je me souviens d'un grand suspens, Hakinnen ayant réalisé à la rentrée une superbe GP de Spa en doublant le long de la montée de la ligne droite suivant l'eau rouge à la fois retardataire et notre Schumi, repassant ainsi en tête du championnat - pas vrai, on ne va pas encore perdre le titre !, suivi d'une superbe prestation de Schumi à Monza y égalant la 41e victoire à hauteur du légendaire, mythique Ayrton (le plus grand à mon avis, mort au volant, finalement une fin à la Molière mort sur scène, et décédé deux ans avant Mozart, autre génie parmi les génies - dire qu'il aurait pu conduire pour Ferrari après 2/3 ans après Williams, mais Schumi n'aurait pas eu tant de titres. Mais bon avec des si ...etc), Schumi ayant craqué à l'arrivée, lui à qui on avait tant reproché de continuer et gagner le GP d'Imola après la mort du héros Ayrton - Il avait en fait intériorisé sa peine.

 

**Je ne comprends d'ailleurs pourquoi il ne s'agit pas de la voiture la plus chère au monde, étant autrement plus rare que le 250 GTO, produite à 4 exemplaires vs 36 pour le GTO et ayant un palmarès aussi presitgieux avec la retentissante victoire au 24 h de Daytona et 2e place au Mans (certes loin de la GT40 MkIV) et surtout d'une beauté à mes yeux jamais inégalé. En regard, la 300 SLR Uhlenlaut, certes encore plus rare, puisqu'en seulement deux exemplaires, est loin d'avoir le même palmarès, et pour cause car elle n'a pas pu courir suite au drame du Mans de 1955 et que sa ligne, certes superbe, mais datant de mi-55, n'atteint pas l'équilibre parfait du meilleur du style italien de la fin des années 60. Dites-moi ce que vous en pensez.

 

Photo 038.jpg

Photo 035.jpg

400 Fly Studio.PNG

Photo 052.jpg

Photo 053.jpg

P4-5.jpg

SP-1.PNG

540 Superfast.PNG

  • Like 1
  • Merci 1

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites
4.9. Superfast

Pour boucler la boucle, ci-joint photo d'une 812 Superfast ''Taylor Made'' dont la livrée fait hommage à son illustre aïeule : la 4.9. Superfast #0719 SA.

Bon, encore des repro (mais de qualité) - en fait, je n'ai pas trouvé sur le net de photos de la vraie. Mais elle existe surement.

Not too bad 🙂

 

812 Superfast 4.9..PNG

812 Superfast 4.9. - 2.PNG

  • Like 1

Partager ce message


Lien à poster
Partager sur d’autres sites

Rejoindre la conversation

Vous pouvez publier maintenant et vous inscrire plus tard. Si vous avez un compte, connectez-vous maintenant pour publier avec votre compte.

Invité
Répondre à ce sujet…

×   Collé en tant que texte enrichi.   Coller en tant que texte brut à la place

  Seulement 75 émoticônes maximum sont autorisées.

×   Votre lien a été automatiquement intégré.   Afficher plutôt comme un lien

×   Votre contenu précédent a été rétabli.   Vider l’éditeur

×   Vous ne pouvez pas directement coller des images. Envoyez-les depuis votre ordinateur ou insérez-les depuis une URL.

0